Au procès du « violeur de la Sambre », les deux visages de Dino Scala, le prédateur aux 56 victimes
C'est l'un des pires prédateurs qu'ait connu l'Hexagone. Dino Scala, le violeur « aux deux visages » et aux 56 victimes, comparaît depuis le 10 juin devant la cour d'assises du Nord, à Douai. Il aurait sévi dans la région pendant près de 30 ans sans être confondu. Le procès est déjà le théâtre de révélations glaçantes et de témoignages poignants. L'ancien ouvrier de 61 ans encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
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C’est une incroyable enquêtequi piétinait depuis plus de 30 ans. Dans le nord de la France, le long de la rivière de la Sambre, un homme s’attaquait à des femmes, au petit matin, pour les violer, depuis les années 1980. Et malgré tous les efforts de la PJ de Lille, il a fallu trente ans pour le confondre.

Le 5 février 2018 au matin, Maurine, une adolescente de 15 ans, attend patiemment le bus scolaire à Erquelinnes, une commune à cheval entre le Nord et la Belgique. Quand soudain, un homme l’attrape par derrière et l’emmène à l’écart, à l’arrière d’un bâtiment. Il se met alors à la frapper et tente d’abuser d’elle. Heureusement, un bus arrive et l’agresseur prend la fuite en sautant dans un véhicule, stationné non loin de là.

Le terrible mode opératoire du « violeur de la Sambre »

Grâce aux images de vidéosurveillance, la police belge obtient rapidement une partie de sa plaque d’immatriculation.

Mais celle-ci est française : le dossier est donc transféré à la PJ de Lille.

Aussitôt, les enquêteurs lillois font le rapprochement avec un dossier qui hante leurs esprits depuis de nombreuses années. Celui du « violeur de la Sambre ». Depuis la fin des années 1980, un mystérieux prédateur est soupçonné d’avoir commis de multiples viols et agressions sexuelles dans la région. A chaque fois, il opère de la même façon.A l’aube, il surprend des femmes seules, les bâillonne, les menace au couteau et les viole.

Les enquêteurs seraient-ils sur le point, 30 ans plus tard, de confondre le criminel ?

La plaque d’immatriculation relevée suite à l’agression de Maurine appartiendrait à un certain Dino Scala, un ouvrier de 56 ans, marié et père de trois enfants. Un homme apparemment sans histoire, qui vit avec sa famille dans un pavillon de Pont-sur-Sambre, un village tranquille près de Maubeuge.

Et, stupeur, son ADN correspond à celui retrouvé sur plusieurs victimes au moment de leur agression. Il ne fait plus aucun doute. Dino Scala est bien “le violeur de la Sambre”.

En garde à vue, le quinquagénaire ne tarde pas à avouer être à l’origine de multiples viols et agressions sexuelles commis sur des femmes âgées de 13 à 50 ans, depuis 1988.Dino Scala évalue lui-même le nombre de ses victimes à… une quarantaine.

Dino Scala : « Monsieur Tout le Monde » était un violeur en série

Pour les enquêteurs, un long travail de vérification commence. Ils répertorient tous les viols et agressions sexuelles ayant eu lieu le long de la Sambre durant ces 30 dernières années. Dino Scala commettait vraisemblablement ses crimes entre son domicile de Pont-sur Sambre et son travail, à Jeumont, à seulement quelques centaines de mètres de la frontière belge.

Fin juin 2018, Dino Scala a avoué 25 faits de viols et d’agressions sexuelles supplémentaires.

A Pont-sur-Sambre, le village du Nord dont Dino Scala est originaire, c’est la stupeur. Personne n’aurait imaginé que cet homme a priori sans histoire puisse être un prédateur sexuel.

Marié, père de trois enfants et récemment grand-père, le quinquagénaire n’avait rien d’un criminel aux yeux de ses voisins. On le décrit comme un très bon employé, un collègue agréable et un citoyen impliqué dans le milieu associatif.

L’homme de 56 ans, mécanicien monteur dans une entreprise de la région, fût même un temps l'entraîneur et le président du club de football du coin.

Pourtant, pour ses nombreuses victimes, Dino Scala présente un tout autre visage.

« J’étais dans un instinct de chasseur » les déclarations glaçantes de Dino Scala

Quatre ans après son arrestation, Dino Scala, 61 ans, est jugé depuis le 10 juin 2022 devant la cour d’assises du Nord, à Douai. Il doit répondre de pas moins de 56 faits de viols et agressions sexuelles. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Un procès sous haute-tension.

Devant ses victimes, l’accusé s’est exprimé sans peine. « J’ai eu une vie tout à fait normale », a déclaré Dino Scala, qui ajoute toutefois que son enfance fut « difficile ». Troisième enfant d’une fratrie de cinq, il est élevé dans une ambiance pesante, rythmée par les infidélités et les violences au sein du couple parental.

« Dans la famille, j’étais toujours le bon à rien », précise l’accusé.

Il ne tarir pas d’éloges non plus sur ses deux femmes , volages ou dépressives, et trop dépensières.

Lorsqu’une avocate des parties civiles lui demande ce qu’il ressentait lors de ses passages à l’acte, le « violeur de la Sambre » répond sans détour : « J’étais dans un instinct chasseur, prédateur. C’est comme une force qui vous pousse et qu’il faut contrôler. Je me sentais for t ».

Dino Scala : sa vie en prison

En détention provisoire depuis 2018 à la prison de Sequedin, près de Lille, Dino Scala explique par ailleurs avoir travaillé avec des psychiatres derrière les barreaux pour tenter de comprendre, en vain, son parcours criminel. Il se serait également p ris de passion pour le bouddhisme, le dessin et les documentaires animaliers. Il évoque même, à la stupeur des victimes entassées sur le banc des parties civiles, la maison de campagne dans le Limousin où il se voit couler des jours heureux à sa sortie de prison…

« Violeur la Sambre » : la traque infernale des enquêteurs

Le procès de cet homme « aux deux visages » a aussi été l’occasion de revenir sur l’enquête hors-norme qui a mené à son arrestation en février 2018.

Franck Martins, Directeur du groupe en charge de l’enquête au sein de la brigade criminelle, a longuement témoigné devant la cour d’assises. A la fin des années 1980, quand les premiers faits sont signalés, il est encore au début de sa carrière. Les victimes racontent toutes la même chose :« Elles avaient évoqué une odeur de cambouis, de métal, de soudure… On pensait à quelqu’un employé dans le secteur industriel, qui embauchait tôt », explique le policier.

Problème : la description de l’agresseur est d’une banalité affligeante. Il pourrait s’agir de n’importe quel homme de la région. L’enquêteur précise : « Il avait une taille moyenne, une corpulence moyenne, même sa voiture était moyennement claire… Je l’avais surnommé Monsieur Moyen ».

D’analyses ADN en portraits robots, l a cellule consacrée au « violeur de la Sambre » ne cessera pourtant jamais de le traquer. Jusqu’à l’agression de Maurine, en 2018.

C’est encore Franck Martins qui s’occupe de la perquisition et de la garde à vue du suspect. Il se souvient : « Je lui dis : Dino, tu sais pourquoi on est là ? Puis, en anglais : This is the end. C’était un peu théâtral mais peut-être qu’il a compris que c’était la fin de son parcours, que ça a joué. Je lui ai dit : Combien ? Il a répondu : Plus de dix. »

« On ne voulait pas me croire » : le témoignage poignant des victimes du « violeur de la Sambre »

Depuis mercredi 15 juin, la cour entend également le récit courageux des nombreuses victimes déclarées de Dino Scala. Toutes racontent le même mode opératoire. Et la même solitude face à la justice.

En 1992, une jeune femme porte plainte. Elle explique avoir été agressée par l’accusé alors qu’elle attendait le bus, à Erquelinnes. « Le policier qui m’a auditionné m’a demandé si je ne m’étais pas fait ses lésions toute seule, relate-t-elle à la barre. J’étais victime, et on ne voulait pas me croire. C’était terrible. »

Les victimes du « violeur de la Sambre » racontent aussi le stress post traumatique dont elles ont souffert toute leur vie, leur difficile reconstruction et leur besoin de justice. Une femme, âgée de 33 ans à l’époque de l’agression, n’a plus jamais mis de jupe.Une autre, agressée en 1992, a été diagnostiquée schizophrène sept ans plus tard.

De son côté, l’accusé ne cesse de contester certains faits. Il explique que les agressions la nuit, « ça n’est pas lui » et qu’il ne portait pas de gants, par exemple. Face au témoignage de certaines victimes, qui l’accusent d’avoir appelé à leur domicile dans les jours suivants l’agression pour les menacer de « finir le travail », il nie également.

Il est probable que lui-même ne se souvienne pas de toutes ses victimes. La justice en a trouvé 56. Il pourrait y en avoir bien plus.

Le verdict est attendu le 1er juillet prochain.