« Je l’ai tuée à cause de son amant » : le meurtre de Marlaine, en 1989, résolu grâce à l’enquête de ses enfantsIstock
Il aura fallu l'intervention des enfants de la victime pour résoudre ce cold case énigmatique. En octobre 1989, dans une petite commune de l'Orne, Pascal, un père de famille, assure à son entourage que sa femme, Marlaine, a déserté le nid familial. Pendant des années, personne ne se pose vraiment de questions… Jusqu'à ce que les enfants de Marlaine, devenus adultes, décident de creuser. Et au fil de leurs recherches, ils déterrent une vieille rumeur : c'est Pascal, leur père, qui aurait tué leur mère, avant de l'enterrer.
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C’était il y a 33 ans : leur mère a disparu un soir d’octobre 1989, et Valentin et Victoria n’en ont jamais su davantage.

A l’époque, Marlaine Delaunay était âgée de 23 ans, et mariée à Pascal, leur père. La petite famille vivait à La Chapelle-Soüef, dans l’Orne. Mais la jeune femme avait un amant. Selon son mari, elle aurait décidé, un beau jour, de quitter son époux, son fils et sa fille, alors âgés de 3 et 6 ans, pour vivre sa vie. En avril 1990, le tribunal pour enfants de Caen acte que Valentin et Victoria ont bien été abandonnés par leur mère, sans même que la version du père ait été vérifiée.

Pascal, lui, se remarie en 1993. Et Marlaine disparait des souvenirs.

Mais il y a une dizaine d’années, sa fille, Victoria, devenue maman à son tour, décide de s’emparer du tabou. Elle n’est plus vraiment convaincue que sa mère ait pu partir ainsi, sans donner la moindre nouvelle, pendant des décennies.

Surtout que le père, Pascal, donne tour à tour des versions différentes sur sa fuite. Une fois, il explique qu’elle est partie avec son amant sillonner les routes du Sud en moto. Une autre, il raconte qu’elle aurait pris le chemin de l’Espagne pour s’y prostituer.

Meurtre de Marlaine Delaunay : « on nous disait : il ne faut pas chercher à savoir »

Alors, Victoria creuse du côté de sa famille maternelle. Mais elle se heurte, dans un premier temps, à un silence assourdissant. Sa grand-mère est décédée, son grand-père, taiseux, dit n’avoir « presque aucun souvenir » de sa fille.

Marlaine a grandi entourée de quatre frères et de quatre sœurs. Mais pour eux aussi, c’est comme si elle n’avait jamais existé. Seule l’une de ses sœurs, Serena, confiera à Victoria s’être inquiétée à son sujet : elle s’en serait même épanchée auprès de la gendarmerie… Mais rien ne sera entrepris par les forces de l’ordre.

« À ce moment-là, tout le monde se braque contre nous en disant qu’il ne faut pas chercher à savoir », confie le frère de Victoria, Valentin, dans les colonnes du Parisien.

Comme si la disparition de Marlaine cachait un, ou plusieurs, terribles secrets de famille…

Meurtre de Marlaine Delaunay : la terrible « rumeur »

En 2016, Valentin et Victoria parviennent à entrer en contact avec l’amant supposé de leur mère à l’époque, un homme précédé par une réputation de Don Juan, répondant au surnom de « Mexico ».

Il confirme aux enfants de Marlaine leur idylle, et précise que Pascal, son mari était même au courant. Un jour, explique-t-il encore, la mère de famille avait cessé de lui donner de ses nouvelles. Inquiet, il s’était rendu au domicile familial, où, selon ses dires, « Deux hommes lui avaient alors intimé l’ordre de déguerpir et il n’avait pas insisté », précise encore le Parisien.

Plus terrifiant encore, lorsque le frère et la sœur questionnent leur tante paternelle, la sœur de Pascal, celle-ci évoque une « rumeur » comme quoi Marlaine aurait été tuée par Pascal, avant d’être enterrée par ce dernier dans la forêt.

Meurtre de Marlaine Delaunay : le père incestueux de Marlaine, le « secret de famille » qui paralyse

En juillet 2021, Victoria et Valentin décident de s’en remettre à la justice, et ils écrivent au procureur de la République de Paris pour demander l’ouverture d’une enquête. Pour autant, ils ne veulent pas « perdre leur père », confie Victoria dans le Parisien.

À ce moment-là, nous avions des doutes sur l’implication de notre père, mais nous pensions qu’il ne risquait plus d’être poursuivi vu qu’un délai de trente ans était passé. Après avoir déjà perdu notre mère, nous n’avions aucune envie d’envoyer notre père en prison – Victoria, la fille de Marlaine

Les enquêteurs ne retrouveront aucune trace de l’existence de Marlaine après 1989. Et ils interrogent, à leur tour, les membres de sa famille, qui vont se montrer bien plus prolixes face aux gendarmes.

L’une de ses sœurs cadettes déclare ainsi pendant son audition que la famille n’a jamais cherché à savoir ce qui était arrivé à Marlaine car le patriarche, Maurice, avait peur des gendarmes. Et pour cause.

Mon père était un peu débile, sadique et tellement mystérieux. Marlaine a été victime d’inceste de la part de mon père et j’en ai également été victime. Nous avons tous été victimes d’inceste de la part de notre père. – Une sœur de Marlaine lors de son audition

Pourtant, la fratrie n’était vraisemblablement pas sans savoir que le couple de Marlaine battait de l’aile… Et que Pascal n’était pas tendre avec la jeune mère. « Fréquemment, il rentrait bourré et il la frappait », confiera ainsi l’un de ses frères aux gendarmes.

En septembre 1989, Marlaine rencontre « Mexico » lors du bal du samedi soir, et les deux amants entament une histoire passionnée. La mère de famille ne s’en cache pas à son mari, qui ira même la déposer en voiture à un rencard… Mais l’impassibilité de Pascal cache, en réalité, une rage terrible.

Meurtre de Marlaine Delaunay : où est le corps de la mère de famille ?

En mai 2022, les enquêteurs décident de placer le père de famille en garde-à-vue. Au bout de deux heures d’interrogatoire, Pascal craque et passe à table.

Je vais vous dire la vérité. J’ai tué Marlaine à cause de son amant. On s’était disputés avant, on est montés au lit, reprend Pascal Delaunay. On a commencé à dormir. Dans la nuit, on s’est réveillés, on s’est rouspétés et j’en ai eu marre. Et je l’ai tuée. Je l’ai étranglée avec un fil de téléphone, dans notre chambre à La Chapelle-Souëf – Pascal Delaunay en garde-à-vue

Le père de famille aurait ensuite enveloppé son corps dans un drap, avant de l’abandonner au milieu d’un champ, à quelques centaines de mètres de leur domicile. Une semaine plus tard, il serait même venu ajouter quelques tôles autour du cadavre en décomposition pour mieux le cacher .

Au terme de sa garde-à-vue, Pascal a été mis en examen pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire ». Un moyen pour la justice de contourner la prescription, qui s’établir à 30 ans en matière de meurtre : or, la disparition de Marlaine remonte à 33 ans.

En juin dernier, des recherches ont été ordonnées à l'endroit indiqué par le suspect pour tenter de retrouver la dépouille de Marlaine. Sans succès.

De nouvelles fouilles pourraient être organisées prochainement. Dans le Parisien, ses enfants l’assurent : « nous espérons juste lui offrir une sépulture digne et pouvoir un jour nous recueillir sur sa tombe ».