« Je n’avais qu’une envie : mourir » : le cauchemar de Laura, violée par trois hommesIstock
La vie de Laura, 26 ans, est émaillée d'abus et de violences. « On dirait que les prédateurs savent repérer mes failles », souffle la jeune femme. Violée par un camarade à 12 ans, victime d'un pédophile à l'âge de 13 ans, elle entame plus tard une relation avec un homme violent qui la bat, la rabaisse et la prive de tout. Après des années d'abus, elle a trouvé le courage de s'enfuir avec ses filles. Aujourd'hui, on lui en a pourtant retiré la garde. Elle lance un appel, désespérée face à la justice. Laura a accepté de se confier et de nous raconter son parcours douloureux.
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C’est un cercle vicieux de violences et de prédation dont les mécanismes sont bien connus, et dont trop de femmes souffrent en silence. Abusée par trois hommes, Laura est aujourd’hui une survivante.

L’horreur commence lorsqu’elle n’a que 12 ans. A l’époque, Laura savoure encore l’innocence de la préadolescence, et ses turpitudes amoureuses. « J’étais entichée d’un garçon qui avait deux trois ans de plus que moi », confie la jeune femme. « Innocemment, je lui écris un petit mot pour lui demander un rendez-vous ». L’adolescent lui donne alors rendez-vous dans un hangar désaffecté. La jeune fille ne se doute de rien et pense que la rencontre sera romantique. Sur place, c’est un tout autre scénario qui se joue.

« Sans que je n’y attende, il m’a forcé à lui faire une fellation », raconte Laura. Choquée, elle n’ose pas en parler, mais croise une amie, en rentrant chez elle, à qui elle décrit la scène, en larmes. « Elle me dit que c’est très grave ; je finis par en parler à mes parents, et nous allons déposer plainte au commissariat. » Devant les policiers, Laura se sent pourtant très seule. « On m’a interrogé comme si c’était moi la coupable. Mes parents n’étaient même présents, ce qui est illégal. Tout le long de l’interrogatoire, ils n’attendaient qu’une chose : que je dise que j’ai menti ». Son agresseur est le fils d’une juge. Laura se sent découragée. « A la fin, j’en avais tellement marre, et j’ai fini par dire que j’avais mentir, je voulais juste passer à autre chose ».

« Mon corps ne répondait plus »

Elle devient un peu rebelle, tente d’oublier. Mais le sort s’acharne. Alors qu’elle vient d’avoir 13 ans, elle se retrouve à nouveau entre les griffes d’un prédateur. « Ma meilleure amie connaissait une personne qui avait 27 ans et qui tenait un magasin de bonbons. C’est quand même ironique », raconte Laura. « Un jour, cet homme nous invite chez lui, et on fait le mur pour se retrouver dans son studio. A l’époque, je fumais des cigarettes mentholées, mais comme j’étais jeune, je n’en avais pas toujours sur moi. Il me propose alors de m’en offrir une, roulée. Au bout de quelques taffes, je ne me sens vraiment pas bien, j’avais la tête qui tourne, je me suis allongée sur le canapé ». Ensuite, Laura se souvient que son amie est partie pour répondre au téléphone. « Et là, cet homme s’approche de moi et me déshabille pour me toucher. Dans ma tête, j’arrêtais pas d’essayer de crier et de bouger, mais impossible, mon corps ne répondait plus. Il commence à mettre ses doigts dans ma culotte, et là, je ne me souviens plus de rien, jusqu’au lendemain matin ».

Laura ne parlera jamais de cette histoire, esseulée par sa première tentative de dépôt de plainte, quelques mois plus tôt. Mais la jeune-fille perd le contrôle, son adolescence est une lente descente aux enfers : elle fait plusieurs tentatives de suicide et se retrouve en maison de repos. Et malheureusement, la vie ne va lui offrir que peu de répit.

« Je me suis dit : je vais mourir »

A 15 ans, elle rencontre un homme sur internet. Au départ, c’est l’amour fou, et Laura décide de tout quitter pour partir le rejoindre en Normandie. Mais le tableau commence vite à s’effriter. « Les premières années étaient normales, et puis, il y a eu des insultes. Bientôt, je n’avais plus le droit de sortir, je n’avais pas les clés de chez moi, il m’avait confisqué mes cartes bleues. J’étais complètement isolée. » raconte-t-elle.

Elle tombe enceinte à 18 ans. « C’est là que les coups ont commencé. J’avais débranché la box de notre studio, car il jouait en ligne toute la nuit à des jeux vidéo bruyants, et moi j’étais fatiguée, alors j’ai craqué. » Là, elle voit alors un « autre visage » chez son conjoint : celui d’un « monstre ». « Je suis partie me réfugier dans ma chambre, mais il a réussi à ouvrir la porte, et quand je l’ai vu entrer je me suis dit, je vais mourir ».

La situation ne s’arrange pas avec la naissance de leur première fille, au contraire. « Il faisait aussi tout ce qu’il voulait avec moi, avec mon corps. Il n’arrêtait pas de me violer. Mais je n’ai compris que plus tard qu’il s’agissait de viol conjugal, à l’époque, je me disais que c’était normal puisque je n’avais rien connu d’autre », confie la jeune femme.

Laura tombe enceinte d’une deuxième petite-fille. Il la frappe à nouveau pendant sa grossesse. « A chaque fois , j’ai failli perdre le bébé sous ses coups. J’ai dû terminer mes deux grossesses alitées. »

Elle raconte aussi des années de privation : « il me disait qu’on n’avait pas assez d’argent pour manger, alors il y avait des jours où je ne m’alimentais pas pour que les enfants aient de quoi manger. En réalité, il gagnait de l’argent, mais il le gardait son argent pour ses propres loisirs », explique Laura.

« J’ai décidé de prendre mes filles et de partir »

La jeune maman décide de passer son permis et de se trouver un petit boulot, pour mettre de côté. Elle sait déjà qu’elle devra partir un jour pour ne pas mourir.

En 2019, elle parvient, pour la première fois, à partir en vacances, seule, chez son frère qui vit à Bayonne. « Sur place, je rencontre un homme. Au départ, rien ne se passe entre nous mais on s’échange nos numéros. Petit à petit, lorsque je suis rentrée, on a discuté et je me suis confiée. Il m’a fait comprendre que ça n’était pas normal du tout de vivre tout ça. » Cet homme lui explique qu’elle doit le quitter, et propose de l’accueillir chez lui. Laura hésite.

Mais un soir, elle atteint un point de non-retour. « J’étais tellement mal que je n’arrivais plus à rien avaler. Le père de mes enfants a donc essayé de m’étrangler en me mettant de la nourriture dans la bouche. Ce soir-là, j’ai eu le déclic. Je me suis dit, faut que je parte. J’ai trouvé une excuse, j’ai décidé de prendre mes filles et j’ai pris la route, des centaines de kilomètres, jusqu’au Pays Basque.»

Pourtant, le cauchemar est loin d’être terminé pour Laura.

L'affaire qui refait surface

Cette même année, alors que Laura vient tout juste d’échapper à son conjoint violent, un évènement qu’elle croyait enfoui à tout jamais la rattrape sans crier gare. « Je reçois un appel de la gendarmerie. On me demande si je connais Mr. Untel, le propriétaire de la boutique de bonbons qui m’a violé quand j’avais 13 ans. A l’époque, il est déjà en détention provisoire depuis trois ans. On m’explique qu’il est soupçonné d’avoir drogué et violé au moins une dizaine d’enfants, âgés de 4 à 13 ans, dont les enfants de sa propre compagne. C’est un dangereux pédophile avec un profil de pervers narcissique ».

Tout remonte. Laura est convoquée, entendue par un juge et un expert psychiatre, et décide de porter plainte, 10 ans plus tard. Aujourd’hui, l’enquête se poursuit. « Ils recherchent probablement d’autres victimes, tout comme ils ont réussi à me trouver, moi », explique Laura.

Et cette épreuve n’est pas la dernière pour la jeune maman.

« J’ai peur pour mes filles »

Car si elle a trouvé un peu de protection dans les bras de son nouveau compagnon, Laura se rend compte que son ex ne reculera devant rien pour la faire souffrir.

« Je n’ai pas porté plainte contre lui, car j’avais peur que ça me retombe dessus, et je n’avais aucune preuve à ce moment-là, les traces de coups étaient déjà parties. Mais j’ai fait une demande une garde, bien évidemment, pour mes filles. Et là, j’ai vu dans le dossier tous un tas de témoignages très à charge contre moi, sortis de nulle part. Sa propre famille, qui semblait m’adorer, disait que j’étais une mère horrible, et même ma voisine, qui m’avait vue pleurer, qui avait entendu les coups, a fait volte-face devant le juge ». Au final, la justice décide d’accorder la garde exclusive des filles à leur père. « Ils ont estimé que j’étais partie « pour mon propre plaisir », s’indigne Laura. « Ce jour-là, lorsque j’ai dû lui rendre mes filles, c’était horrible. C’est mon conjoint qui a fait les derniers pas, car c’était impossible pour moi de marcher vers lui et de lui donner mes enfants ».

Elle ne peut désormais voir ses filles que deux fois par an, en traversant la France entière, avec ses petits moyens. « J’ai peur pour mes filles », confie-t-elle. « Il a déjà été agressif avec elle, il leur parle mal, et il ne s’occupe pas vraiment d’elles. Elles sont d'ailleurs traumatisées elles-mêmes par les violences dont elles ont été témoins. »

« Je veux me battre » : l’appel de Laura

A 26 ans, Laura a réchappé à trois hommes violents, trois agresseurs, trois prédateurs. Et elle est toujours debout. « Ma vie est toujours aussi chaotique, je suis une grosse thérapie qui me traite pour ces trois traumas. Je n’arrive pas à sortir de chez moi, je suis paranoïaque et très angoissée. Jusqu’à récemment, je n’avais d’ailleurs qu’une envie : mourir ». C’est finalement la naissance de son fils, fruit de sa relation avec son nouveau conjoint, qui l’a « sauvée ». Mais l’absence de ses deux aînées reste insupportable pour la jeune maman.

Aujourd’hui, Laura veut faire une nouvelle demande de garde. « Je veux une nouvelle procédure, plus juste, où je compte réunir plein de preuves. Mes filles n’ont même pas été entendues par un juge », explique la jeune femme. Elle a ouvert une cagnotte en ligne pour payer ses frais de justice, et lance un appel à la solidarité. « Je veux garder espoir, rester positive, me battre », conclut la mère de famille.