« J’étais sa chose, son objet » : Maxime Gaget, homme battu, a survécu à sa femme violente
C'est une histoire de violences conjugales comme on en entend peu, et pourtant. Entre 2007 et 2009, Maxime, 29 ans, est victime des pires sévices de la part de sa compagne. Les mécanismes sont les mêmes que dans n'importe quelle situation d'emprise : isolé, dévalorisé, le jeune homme a peur, il ne peut pas quitter sa bourrelle. A plusieurs reprises, il frôle la mort, torturé par cette femme. Jusqu'au jour, où par miracle, il s'en délivre. Depuis, il a décidé de briser le silence sur le sort des hommes victimes de violences conjugales. Entretien exclusif.
Sommaire

Selon une enquête de l’Insee, en 2019, 28 % des victimes de violences conjugales autodéclarées étaient des hommes. Chaque année, en moyenne, entre 2011 et 2018, 82 000 Français – à minima -souffraient donc sous les coups ou les agressions sexuelles de leur partenaire. En 2018, 28 d’entre eux ont même succombé aux violences de leur conjointe ou de leur ex-conjointe. La violence domestique n’est donc pas simplement le fait des hommes, et pas toujours dirigée uniquement vers les femmes, même si les chiffres des féminicides sont encore plus dramatiques. Pourtant, on parle encore peu de ces victimes masculines en France. L’histoire de Maxime, elle, est symptomatique de ce tabou, mais aussi de l’ampleur du problème.

A l’automne 2007, Maxime, 29 ans, débarque de sa Charente natale à Paris pour suivre une formation de développeur informatique. Sur internet, il fait la connaissance d’une femme, avec qui les échanges sont agréables. Ils ont un ami en commun, et décident de se retrouver, pour la première fois, à l’occasion d’un barbecue organisé chez ce dernier. Très vite, une relation s’installe entre les deux jeunes gens. Et si au début, tout semble aller pour le mieux, cette femme ne va pas tarder à montrer son véritable visage : celui d’une grande manipulatrice, extrêmement violente.

Maxime Gaget : « Elle avait quelque chose de magnétique »

A plusieurs reprises, Maxime va être victime de coups d’une rare intensité, et de ce que les experts qualifieront plus tard d’actes de torture et de barbarie. A chaque fois, sa compagne remet la faute sur lui, arguant que c’est de sa faute, puisqu'il la pousse dans ses retranchements. Maxime perd son travail : à cause de ses blessures, il est trop souvent absent. La violence monte crescendo. Le jeune homme se retrouve constamment à l’hôpital, son corps entier est supplicié.

Pendant près d’un an et demi, Maxime vit un véritable calvaire dont il est alors persuadé qu’il ne réchappera pas. Mais un beau jour, avec l’aide de ses proches, il parvient à réchapper à son agresseur. C’est alors le début d’un autre combat, pour obtenir justice, et faire entendre sa voix, qui est aussi celle de nombreux autres hommes victimes de violences conjugales, et que la société a bridé au nom des sacro-saintes valeurs patriarcales.

Maxime a accepté de nous raconter son calvaire et son engagement.

Comment avez-vous rencontré cette femme, et comment votre histoire a-t-elle commencé ?

Maxime Gaget : Par erreur. C’était un hasard dont je me serai bien passé. J’étais en 2007 en formation en région parisienne, et j’ai fait la connaissance de cette femme via internet, au mois d’avril. On a commencé à échanger, ça s’est fait tout doucement. Jusqu’au mois de juillet, on se parlait seulement. Et puis, on a été invités par un ami commun à un barbecue, et nous avons alors convenu de nous voir un peu avant pour faire plus ample connaissance.

Ce jour-là, lorsqu'elle est arrivée au lieu de rendez-vous, j’ai eu comme un choc. Je m’attendais à voir quelqu’un d’assez féminin, et je vois arriver une armoire à glace d’1m62, en jeans, bombers, et baskets. Elle était physiquement impressionnante. J’ai une petite voix qui me dit à ce moment : « tu prends tes affaires et tu t’en vas ». Mais par principe, je me suis dit « on ne juge pas sur les apparences ». La curiosité l’a emporté et je suis resté, ça s’est globalement bien passé.

Nous allons à ce barbecue, tout se passe très bien, sauf à un moment où cette femme a une violente prise de bec avec un l'amie avec laquelle j'étais venue, ce qui provoque une certaine gêne, un malaise palpable. Aux alentours de 22h30, je préviens mon hôte que je ne vais pas tarder à partir puisque dépendant des transports en commun. Elle me propose de dormir chez elle, mais me dit « attention on ne fera rien ». Naïvement, j’accepte. Par principe, c’était de toute manière beaucoup trop tôt pour moi de toute manière. Vers 4 ou 5h du matin, un autre invité nous dépose chez elle ; nous montons jusqu'à son studio et une petite heure plus tard, elle franchit cette frontière pourtant communément convenue. C’était très rapide et, pour tout vous dire, je ne m’y attendais pas du tout. La suite des évènements a là aussi été assez rapide, puisque sur sa demande insistante, j’ai fini par emménager chez elle le 29 octobre 207 au soir, au bout de quelques semaines seulement.

Quel était son profil, sa personnalité ? Qu’est-ce qui vous a plu chez elle ?

Maxime Gaget : Sur les côtés positifs, elle était très enjouée, dynamique, ouverte d’esprit, du moins en apparence. Il y avait quelque chose d’assez difficile à expliquer, de quasi magnétique chez elle. Le cœur a ses raisons que la raison ignore, comme dit le proverbe. Mais en creusant, on se rend compte que c’est une façade.

Maxime Gaget : « Une première gifle d’une violence inouïe »

Quand les violences commencent-t-elles ? Y avait-il des signes avant-coureurs ?

Maxime Gaget : Ça ne s’est pas passé aussi rapidement que l’on peut penser. Durant les premières semaines de la relation, elle a en quelque sorte posé ses pions de façon stratégique, tout était calculé. Même si des choses auraient pu m’alerter pendant cette période, mais j‘étais aveuglé par l’amour naissant. Elle voulait par exemple prendre le contrôle de mes comptes. Partant du principe qu’elle avait un appartement, deux enfants, je me suis dit qu’elle était suffisamment fiable et responsable, j’avais confiance, et j’ai accepté.

Les premières violences physiques arrivent le soir du 31 décembre, deux mois après mon installation chez elle. On devait passer le réveillon avec sa mère et son frère qui habitent le même immeuble et avec qui je m’entend très bien. En pleine soirée, elle vient me voir l’air grave et me dit « viens faut qu’on cause». Nous quittons l’appartement de sa mère, traversons le couloir, et au moment où j’arrive chez nous, elle m’attrape par le col et me colle une salve nourrie de claques d’une force inouïe. J’étais en état de choc, de sidération totale. Il n’y avait aucun argumentaire de sa part, aucune explication, rien. Je suis quelqu’un de profondément non violent, aussi, la seule chose qui m'eût été possible de faire pour me défendre a été de lever le menton aussi haut que possible pour être hors d'atteinte. Grosse erreur : ça n’a fait que décupler sa rage.

Quand elle s’est enfin calmée, à bout de souffle, je lui ai demandé : « pourquoi ? ». Elle m'a répondu : « si tu ne m’avais pas énervé ça ne serait jamais arrivé ». C’est un mécanisme type des manipulateurs pervers, ils veulent faire douter la personne, pour que les défenses psychiques s’effondrent totalement. La chute psychologique peut être rapide et particulièrement brutale. J'ajouterai que quand on additionne violence psychologique et physique, le résultat sur la psyché est catastrophique

Maxime Gaget : « Je n’avais même pas la valeur d’un paillasson »

Dans un premier temps, vous lui pardonnez. Pourquoi ?

Maxime Gaget : Sur l’instant, je lui en ai voulu. Toutefois, je me suis calmé, j'ai pris du recul et je suis parti sur la base, que l’on peut toujours tomber sur un écueil, un conflit dans un couple ; j’ai voulu lui laisser une deuxième chance. Quand j’ai commencé ma période d’essai quelques jours après, la situation était retournée à un certain calme, et mon travail était intéressant, c’était une vraie opportunité pour moi. Non seulement les choses se sont réitérés, mais elles se sont en plus lourdement aggravées.

Elle me séquestrait, et elle m’interdisait formellement d’aller travailler quand mes blessures ne pouvaient plus être masquées par du fond de teint qu'elle me forçait à appliquer. C‘est ainsi que ma période d’essai a été ajournée le 12 février.Je me retrouve donc au chômage, et les violences vont atteindre un paroxysme car maintenant elle me reproche, maintenant, en plus de tout ceci, de ne plus faire rentrer le moindre argent.

Elle vous a fait subir de nombreuses maltraitances… Vous dites que vous étiez son « esclave ». Comment cela se traduisait-il au quotidien ?

Maxime Gaget : C’était pire que ça. Un esclave, on le respecte un minimum. Là, ça n’était pas le cas, je n’avais même pas la valeur d’un paillasson. J’étais sa chose, son objet. Ces personnes n’ont aucune empathie, ni la moindre once d'humanité.

Très rapidement, elle a fait main basse sur mon PC portable ; mon téléphone est également détruit par ses soins fin janvier 2008. Je n’ai donc plus aucun moyen de communication fiable et sûr à disposition. Elle voulait m’isoler pour que je n’aie plus le moindre soutien potentiel. Donc malheureusement, les violences redoublent, et il y a carrément des actes de tortures et de barbarie, le procès qui va s'ensuivre va clairement mettre ce point en évidence.

Quant aux« méthodes » employées, c’était très large : des coups de bâtons, du gros sel dans les yeux, des brûlures au fer rouge, elle me faisait manipuler des produits chimiques, en allant même, un jour, me plaquer le goulot d'une bouteille d’acide sulfurique sur la bouche ! Il suffisait juste d’un geste de sa part et je finissais brûlé à l’acide. Ce sont ses enfants qui l’ont empêché. Il y avait aussi de façon rituelle des strangulations, des privations de diverses natures, avec par exemple une douche froide en plein hiver la fenêtre ouverte….

Maxime Gaget : « Je hurlais intérieurement et personne n’a entendu »

Vous avez été hospitalisé plusieurs fois. A l’époque, personne ne se s’inquiète ?

Maxime Gaget : A huit reprises, j’ai en effet été hospitalisé. J’ai même subi une intervention chirurgicale en urgence, au niveau des parties, j’avais subi des sévices, et il faudra par la suite pas moins de 7 autres interventions chirurgicales de reconstruction (donc opérations lourdes) pour réparer les dégâts subis. Ça a été très loin. J’ai eu deux opérations pour le nez, le septum a été littéralement réduit en bouillie, il était irrécupérable. Quatre interventions supplémentaires ont été nécessaires pour réparer l’oreille gauche, le cartilage étant lui aussi totalement détruit sous la violence des coups. A cela il faut également ajouter un décollement franc de la rétine au niveau de l’œil droit, autre conséquence directe des coups reçus.

Mais personne ne s’est posé de questions, pas même les pompiers qui faisaient le déplacement. J’ai même demandé à voir une psychologue à l’hôpital. Je ne pouvais pas tout lui dire parce que j’étais dans un état de psychose, d’emprise, et sous les menaces de ma compagne, mais j’essayais d’alerter. Malheureusement, personne ne s’est posé de question, n’a lancé l’alerte. J’hurlais à l’aide intérieurement, et personne n’a entendu.

Un soir où elle m’avait lacéré l'arrière du crâne avec un presse agrume en aluminium (qu'elle venait de détruire en cherchant à me frapper avec), j’étais sorti de notre immeuble en sang, et je m’étais dirigé dans un bar de la rue parallèle pour demander de l’aide. Le patron m’a dit « Dehors, je ne veux pas de problème ». J’ai dû me rendre moi-même au commissariat, et -ô miracle - une patrouille de police, qui était en intervention à mi-chemin, m'a immédiatement pris en charge et a pu appeler leSAMU.

Vous avez eu peur pour votre vie ?

Maxime Gaget : Complètement, et pour tout vous avouer, je me voyais déjà mort ! Notamment le jour où elle m’a collé une lame de couteau de boucher de 30 cm au niveau de la gorge, je sentais le fil de la lame pressée contre ma carotide, l’acier commençait à me rentrer dans la peau sans toutefois pénétrer ma chair. Ce jour là, j’ai vu ma vie défiler en un claquement de doigts, et cela m’a – assez paradoxalement – semblé une éternité. Un autre jour, elle m’a étranglé à tel point que je suis entré en syncope, ce qui m’a fait perdre connaissance. Mais je suis de nature profondément non-violente, il a toujours été pour moi hors de question de riposter ou frapper une femme, même fût-ce avec un pétale de fleur. C’est un principe

Maxime Gaget : « J’ai échappé à une mort quasi inéluctable »

A quel moment, et comment êtes-vous parvenus à vous délivrer de cette femme ?

Maxime Gaget :

Le 1er mars 2009, c’est le déclencheur. Ce jour-là, elle m’ordonne d’aller faire des courses. Ses enfants, des jumeaux de 12 ans, insistent pour m’accompagner tous les deux. Elle consent. Nous quittons l’appartement, faisons quelques pas et les enfants me font signe de m’arrêter sur le seuil de l’appartement de leur oncle, situé sur le même palier. Ce dernier ouvre aussi discrètement que possible sa porte, me prend rapidement en photo et me murmure texto : « tiens bon, courage, les secours arrivent ».

Il alerte par téléphone mes proches dans la soirée en leur disant : « Venez vite récupérer maxime, auquel cas vous le récupérerez dans une petite boite ». Mes parents se mettent immédiatement en état d’alerte et montent dès le lendemain matin, en urgence, une expédition de secours depuis le Charente. Ils ne vont pas se rendre directement dans la rue où nous habitions : ils vont tout d’abord se rendre au commissariat du 11e arrondissement, pour quérir de l’aide. De mon côté, au moment où je fais irruption à nouveau dans l’appartement, ma compagne est complètement sens dessus dessous, me dit que mes parents sont là et qu’’elle « consent » à me laisser partir, en ajoutant toutefois une condition : «Avant que je te libère, promets-moi que tu ne portera pas plainte contre moi ». Elle était donc toute à fait consciente de ses actes comme de la gravité de ceux-ci.

Pour ma part, je croise discrètement mes doigts dans le dos (je sais, ce n’est pas très poli, mais comme le disait Montesquieu : « En amour comme à la guerre, il n’y a aucune règle » !), et lui ai répondu « Tant que je suis sur Paris, tu n’as rien à craindre ». Mais ma priorité, à cet instant-là, était justement de me mettre à l’abri, pour ensuite porter plainte. J’étais plus ou moins conscient de la gravité des faits, mais était – en définitive – très en deca de la réalité. J’étais dans un état de fatigue émotionnelle et de détresse psychologique absolument inimaginable.

En sortant de l’immeuble au rez-de-chaussée, dans le porche extrêmement sombre, je perçois un rayon de soleil magnifique, et c’était d’ailleurs là tout un symbole : je quittais enfin les ténèbres pour revenir à la lumière, et surtout à la vie.

La porte du bâtiment se renferme derrière moi, etje me dis « ça y est, je suis vivant, je sors enfin de ce cauchemar ».

Mes proches vont être véritablement choqués en me voyant. Ils ne vont me reconnaitre qu’à un seul détail, non visible : ma voix. J’étais à ce point défiguré qu’ils ne me reconnaissaient plus du tout physiquement. Je ne les avais pas revus depuis la mi-octobre 2007, soit il y a un peu plus d’un an de cela.

En cours de route, mes verrous psychologiques commencent à s’ouvrir. Ils commencent à céder les uns après les autres, ce qui me permet de tout doucement restituer - par fragments épars - les tenants et aboutissants de l’histoire. En chemin, mes proches préviennent le pôle des urgences du CHU par téléphone,et je suis immédiatement pris en charge à mon arrivée, soit deux heures après cette communication mobile.

Je demande à une infirmière quel est le ratio d’hommes battus, elle me dit du point de vue médical c’est 50/50. Elle ajoute que je suis le second cas le plus grave qu’elle a vu de toute sa carrière.

Le lendemain, je suis entendu par deux agents de Police venus recueillir ma plainte sur mon lit d’hôpital. Tous deux avaient l’air eux-mêmes dépassés par ce que je leur racontais. Dans l’heure qui suivra l’arrivée de ces deux gardiens de la paix, le pôle des urgences va litéralement grouiller d’agents de police, une photographe de la PJ va même être dépêchée sur place plus ou moins en urgence pour documenter cette plainte..

La déposition, quifait 4 pages, est faxée le jour même au parquet du TGI de Paris. Un médecin légiste m’auscultera deux jours plus tard, car le personnel hospitalier refusera catégoriquement de le faire compte tenu du volume et de la gravité de mes blessures. Quand un médecin légiste entre en jeu, cela signifie deux possibilités : soit 1) l e cas est gravissime, soit 2) vous êtes mort !

Je commence à ce moment là tout doucement à en prendre conscience, mais cela va prendre encore du temps avant que je ne prenne la pleine mesure de la situation dans son ensemble. Je me rends compte à quel point j’ai échappé à une mort quasi inéluctable. Et ai pu voir la dangerosité extrême de celle qui aura été successivement ma compagne, puis mon bourreau.

Que se passe-t-il ensuite ?

Maxime Gaget : Je parlerai de « réveil », j’ai eu une prise de conscience des faits qui a décuplé ma motivation pour obtenir justice et dénoncer tout cela. En juillet, je démarre une psychothérapie et *essaie d’avoir des réponses en étudiant la littérature sur le sujet. Je me rends compte que beaucoup d’hommes témoignent de ces violences en anonyme, et ne peux que constater à quel point il y a un déséquilibre institutionnel entre les victimes hommes et femmes.

Ce sont mes parents qui *m’ont suggéré d’écrire. Je me suis dit que l’idée n’était pas trop mauvaise. Quelques mois plus tard, j’ai répondu à un appel à témoins de journalistes qui recherchaient des hommes aptes à pouvoir témoigner de violences conjugales à visage découvert. à visage découvert. Par leur biais, j’ai ainsi rencontré Yves Michalon, mon futur éditeur (Ma compagne, mon boureau, aux éditions Michalon), qui a eu le courage d’aller de l’avant avec ce sujet « explosif », et le Dr Alain Legrand, qui m’a énormément aidé dans le processus de reconstruction psychologique. La médiatisation m’a aussi beaucoup aidé à reprendre confiance en moi, sachant que j’étais – avant cette histoire ô combien brutale – quelqu’un d’assez timide, à la limite de l’introversion. Qui l’aurait cru ? (grand sourire).

Maxime Gaget : « Je n’ai plus peur »

Vous êtes l’un des seuls hommes à briser le silence sur le sujet, et pourtant, vous n’êtes certainement par le seul homme à avoir été victime de violences conjugales. Pourquoi ce tabou ?

Maxime Gaget : Ma position, très claire en la matière, est de ne surtout pas opposer le moins du monde les étiquettes de genre entre elles, car nous sommes avant tout des êtres humains ! Pour moi, la douleur n’a absolument pas de sexe. Dans le cas contraire, apportez m’en s’il vous plaît la preuve.

Les violences conjugales faites aux hommes restent encore un sévère et solide tabou au sein de notre société. On peut pourtant voir plusieurs exemples et preuves de l’existence de ce problème dans l’Histoire : à ma connaissance, les premières traces de violences conjugales documentées remontent au moyen-âge. Il existe une gravure, assez précise, où l’on voit notamment un homme, dos au sol, en train d’essayer de se protéger d’une femme, penchée au-dessus de lui, brandissant de manière assez menaçante un rouleau à pâtisserie (Tilt !). Le problème ne date donc pas d’hier. Mais comme ce sujet gêne énormément, on préfère glisser tout ceci sous le tapis plutôt que de prendre le problème à bras-le-corps et apporter de véritable solutions.

La France est un pays latin, avec un côté fier. On peut se voir entre homme en quelques sortes comme des lions, des prédateurs. S’il en est un qui vient à admettre ses failles, ses faiblesses ou ses blessures, il devient bien souvent une cible pour ses pairs. Maintenant, tout le monde peut tomber un jour sur quelque de plus fort que soi. Petite note intéressante en passant, remarquez à quel point, en dégageant les étiquettes de genre de l’équation, cela simplifie d’autant le problème formulé à l’instant. Par essence même, un être humain n’a pas à frapper, torturer ou tuer un autre être humain ! Tout le monde est d’accord sur ce principe je pense.

Il faut d’abord et avant toute chose prendre en considération l’être humain et la souffrance qu’il ressent !?

En 2016, votre ex-compagne a été condamnée en appel à 2 ans de prison ferme pour les violences que vous avez subies. Vous avez toujours peur d’elle ?

Maxime Gaget : Après cinq d’ans d’instruction, elle a été condamnée en première instance à 18 mois fermes, 18 mois avec sursis, 3 ans de mise à l’épreuve, des dommages et intérêts et c’est tout. La procureure a fait appel, en exigeant plus. Note technique en passant, le dossier a été traité en correctionnelle, palier qui plafonne toute sanction à 5 ans maximum, alors qu’il aurait dû être normalement traité aux assises, considérant le degré de gravité extrême des violences.

J’ai eu la désagréable sensation qu’il y avait une certaine volonté sous-jacente à minimiser au maximum ces cas de figure. Beaucoup de femmes auteurs de violences ne sont bien souvent même pas inquiétées, et il en va de même pour pas mal d’hommes auteurs également.

En appel, elle sera condamnée à 2 ans de prison ferme, mais ne passera toutefois pas un seul jour derrière les barreaux, puisqu’ayant réussi à faire aménager sa peine (le plafond maximum pour cela est fixé par les lois Dati et Taubira à … 2 ans !). J’ai appris cela quelques mois plus tard…

A ce jour, je n’ai plus peur.La peur doit changer de camp. Je n’ai rien à me reprocher, alors que cette personne-là a joué un rôle qui n’était pas le sien et m’a fait souffrir atrocement. Après ce cauchemar, j’ai d’ailleurs été en contact avec deux de ses anciens compagnons. On s’est rendu compte tous les trois qu’elle agissait selon exactement le même mode opératoire. Y’a par conséquent un fonctionnementsériel, qui la rend très dangereuse.

Si je viens à la recroiser, je lui dirai très courtoisement le fond de ma pensée. Je n’ai aucun désir de vengeance : c’est un poison extrêmement dangereux, pernicieux, qui est à voir également comme une forme de faiblesse.

Comment faites-vous pour vous reconstruire après ces violences, tant physiquement que psychologiquement ? Quelles séquelles vous gardez de ces années ?Comment allez-vous aujourd’hui ?

Maxime Gaget :L

L’écriture m’a beaucoup aidé, la psychothérapie, la philosophie et la spiritualité aussi. J’ai des séquelles physiques visibles, qu’il serait d’ailleurs difficile de nier. Ces dernières vont vraisemblablement perdurer jusqu’à mon dernier souffle. Des séquelles psychologiques, il y en a aussi. J’ai pris beaucoup de recul par rapport à ça et cela m’a apporté énormément d’éléments de compréhension, une vision beaucoup plus élargie sur un plan général parce que bien plus complète. Cela m’a permis notamment de voir les choses avec plus de clairvoyance, de façon plus simple. Réfléchir sur les évènements me permet d’avancer.

J’arrive à retrouver personnellement et amicalement confiance en l’autre. Q uant au domaine sentimental, je suis prêt à potentiellement refaire confiance à quelqu’un, même s’il est vrai que la confiance peut mettre des années à se gagner, et tout au plus quelques secondes à se perdre

Je suis plus prudent, plus lucide. Par rapport à ce que j’ai pu endurer, j’ai développé comme une sorte de sens radar : c’est un peu comme si je regardais les personnes avec un rayon X. Je ressens, dans une certaine mesure, leurs intentions ;c’est un outil d’une rare efficacité.

En conclusion, je dirai qu’il y a eu un « avant », il y a malheureusement eu un « pendant », et il y aura nécessairement un « après ». Le plus important n’est pas le nombre de fois où la violence avec laquelle on tombe, mais bien la vitesse à laquelle on se relève. En guise de tous derniers mots, je souhaiterai partager avec vous cette très belle citation de – feu – le CPT Antoine De Saint-Exupéry, tout à fait de circonstance :

« C’est folie de haïr toutes les roses parce qu’une épine vous a piqué »

Ma compagne, mon bourreau, Maxime Gaget, Editions Michalon