Joseph Vacher, le “Jack l'Éventreur du Sud-Est” ou le premier tueur en série qui a fait trembler la France
C'est l'un des tueurs en série les plus prolifiques de l'histoire. A la fin des années 1890, Joseph Vacher est soupçonné d'avoir massacré une cinquantaine de victimes dans le Sud-Est de la France. Son mode opératoire est toujours le même : après avoir égorgé ses victimes, il les mutile sauvagement et les viole. L'affaire, à l'époque, connaît un retentissement sans précédent. Dix ans après les crimes de « Jack l'Eventreur » qui ont semé la panique à Londres, on parle de Vacher comme de la version « française » du monstre. Confondu et condamné après des années d'errance criminelle, il est guillotiné en décembre 1898, à l'âge de 29 ans. Récit.
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Joseph Vacher nait dans un petit village de l’Isère, au sein d’une famille de cultivateurs, respectée dans la région. Sa mère, très dévote, est régulièrement en proie à des hallucinations mystiques.

C’est un enfant pour le moins perturbé. Il aime notamment… torturer des animaux, en guise de passe-temps. Il s’emporte pour un rien, brise tout sur son passage et se plait à frapper brutalement ses camarades, mais aussi ses frères et sœurs, pourtant nombreux (la fratrie compte 15 enfants).

Sa mère décède alors qu’il n’a que 14 ans. Il est contraint de travailler dans les champs, avec son père. C’est à ce moment-là que l’escalade criminelle aurait commencé.

Joseph Vacher : le sergent fou

Le 18 juin 1884, Joseph Amieux, 10 ans, est retrouvé sans vie dans une grange de la région. Il a été violé. Plusieurs crimes tout aussi violents suivent. A l’époque, évidemment, personne ne fait le rapprochement, et les affaires demeurent non élucidées.

A l’âge de 16 ans, Joseph Vacher entreprend des études chez les Frères maristes, une congrégation laïque, où il deviendra même enseignant. Mais il ne tarde pas à être renvoyé : on lui reproche de s’être livré à des attouchements « immoraux » sur ses condisciples.

Joseph retourne aux champs, mais s’ennuie, et décide de s’installer à Grenoble, où vivote l’une de ses sœurs, prostituée. Lui-même se met à fréquenter les bordels, et contracte une infection. Hospitalisé, il subit une ablation d’une partie d’un testicule. Une intervention qu’il vit comme une véritable « castration ».

Il part faire son service militaire, où il se retrouve mêlé à plusieurs incidents. Il tentera notamment de se trancher la gorge après avoir été menacé de renvoi par ses supérieurs. Finalement, ses capacités en termes de commandement lui valent d’être nommé sergent. Mais ses troubles ne faiblissent pas pour autant…

Joseph Vacher : le vagabond tueur de bergers

En 1893, il rencontre Louise Barrant, une jeune cantinière, qu’il demande en mariage sans attendre. Elle refuse. Fou de rage, Joseph Vacher lui tire trois balles de revolver avant de retourner l’arme contre lui. Par miracle, les deux jeunes gens en réchappent. Vacher, touché à l’oreille droite, deviendra sourd de ce côté. Pour cacher sa blessure, il se couvrira désormais la tête quasi systématiquement. Une balle, logée dans son cou, entraîne également une paralysie du nerf facial : son œil droit est injecté de sang en permanence.

Pour cette tentative de meurtre, Joseph Vacher n’est toutefois pas condamné : on le considère comme irresponsable, car souffrant d’un trouble mental. Il passe six mois dans un asile du Jura, et se voit définitivement réformé de l’armée.

Lorsqu’il sort de son internement, c’est l’escalade. Le 19 mai 1894, il viole puis étrangle la jeune ouvrière Eugénie Delomme, à la sortie de son usine, à Beaurepaire (Isère).

Dans les semaines qui suivent, et pendant trois ans, il tue de nouvelles victimes, croisées au hasard de ses déplacements, - il s’agit, très souvent, de bergers - et parvient à échapper à la justice, car il est constamment sur les routes de l’Hexagone, qu’il traverse à pied pendant des heures, en vivotant grâce à de menus travaux dans quelques fermes de son parcours.

Le 31 aout 1895, Victor Portalier, un berger d’une quinzaine d’années, est retrouvé éviscéré. Il a été violé et ses parties génitales sont mutilées.

Sur place, les témoins parlent d’un vagabond suspect à « l’œil rouge ».

Le 9 mars 1896, il est finalement arrêté et condamné à un mois d’emprisonnement pour « vagabondage » et « coups et blessures ».  Mais on ne le soupçonne toujours pas d’être le « tueur de bergers » qui terrorise le Sud-Est.

Joseph Vacher : le procès et la condamnation

Une fois sa peine purgée, Joseph Vacher reprend son train de vie criminel. En aout 1897, il est à nouveau arrêté pour « attentat à la pudeur » alors qu’il est surpris en train d’agresser une fermière dans un village ardéchois. Il passe à nouveau trois mois derrière les barreaux.

Mais cette fois, le juge d’instruction décide de creuser, car il s’aperçoit que Vacher correspond en tous points à la description du suspect du meurtre de Victor Portalier. En interrogeant le concerné sur ses périples, le magistrat se rend compte que, partout où Joseph Vacher est passé, la mort violente de plusieurs personnes a suivi.

Acculé, il passe aux aveux et confesse, dans un premier temps, huit meurtres, puis onze, ainsi qu’une tentative de viol. En prison, il passe son temps à écrire des lettres, dont l’une d’elle, adressée « aux Français », sera publiée par Le Petit Journal. Il explique, dans la missive, avoir commis ces crimes dans des moments de rage car « j’ai été mordu par un chien enragé vers l’âge de 7 ou 8 ans ».

En octobre 1898, il est condamné par la cour d’assises de l’Ain à la peine capitale, malgré les débats autour de sa responsabilité et de sa santé mentale.

Dans un article paru dans Le Matin au lendemain des audiences, Gaston Leroux écrit :

« Vacher est toujours Vacher, c'est-à-dire cet être inexplicable et inexpliqué, au sadisme tellement monstrueux qu'on se demande avec anxiété si l'on a affaire à un fou ou si tant de crimes avoués ne cachent pas une sanglante forfanterie destinée à faire croire à un état mental proche de la folie. Et c'est bien là le problème qui aujourd'hui comme hier, se pose. Est-on en face d'un responsable ? »

Joseph Vacher, qui n’a que 29 ans, fait une demande de grâce au président Félix Faure, qui la rejette.

Il est exécuté à l’aube le 31 décembre, sur le Champ-de-Mars de Bourg-en-Bresse. Des centaines de personnes assistent à la guillotine. Ses derniers mots seront : « C'est heureux que je me sois fait couper les cheveux ». « La voilà, la victime des fautes des asiles » et « Vous croyez, en me faisant mourir, expier les fautes de la France. La France est coupable ! Tout est injustice. […] »

Joseph Vacher : le cruel mode opératoire du tueur en série

A l’époque, l’ancêtre des « profileurs », Jean-Vincent Laborde, étudie le tueur en série et ses méthodes. Il explique dans un rapport que son mode opératoire ne varie pas ou peu selon ses crimes.

Joseph Vacher trouve d’abord une victime, une jeune fille ou un jeune, garçon, souvent âgés de 13 ou 14 ans, isolée (comme les bergers et bergères). Il se jette à leur gorge, les étrangle, puis les égorge avec un couteau ou un rasoir. Le criminel s’adonne ensuite à une série de mutilations particulièrement bestiales sur le corps du défunt : « éventration, section des seins (si c'est une femme), section des testicules (si c'est un homme), puis, au comble de l'excitation et du paroxysme, il frappe de nouveau et au hasard le cadavre déjà mutilé... et consomme le forfait par le viol, d'habitude inversif… », note le neurologue.

L’affaire qui a fait trembler la France fait parler d’elle pendant des années. Car au-delà des 11 meurtres avoués par le tueur, on le soupçonne en réalité d’avoir fait une cinquantaine de victimes, dont les corps, pour la plupart, ne seront jamais retrouvés, ou identifiés.  

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