L'histoire glaçante de Rémy Roy, le « tueur du minitel rose »AFP
Dans les années 90, l'affaire fait les gros titres en France : un tueur en série, qui entrait en contact avec ces victimes par le biais d'un minitel, est appréhendé après une enquête houleuse. Il aurait fait, en tout, 4 victimes. En apparence, il a pourtant tout du « gendre idéal ». Mais Rémy Roy cache bien des secrets…
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Le 12 octobre 1990, vers 10 heures du matin, un pêcheur s’apprête à s’installer en bord de Seine, dans un sous-bois de Draveil (Essonne), lorsqu’il découvre un corps inerte, sur la berge. Un homme sans vie est allongé sur le ventre, nu, la tête recouverte d’un pantalon.

Très vite, une enquête est ouverte. La mise en scène a tout d’un acte criminel. La victime s’appelle Paul Bernard, c’est un agent d’assurance de 46 ans. Un homme sans histoires. Il est mort asphyxié, et son cou présente des traces d’étranglement avec un lien. Les enquêteurs privilégient la piste d’un crime sexuel, même si il n’y pas eu de viol.

Et ils vont découvrir que la victime, que sa famille surnommait « Saint-Paul », a une vie cachée… Il passait en réalité des heures à écumer le minitel rose homosexuel, à la recherche d’aventures sans lendemain à tendance sadomasochistes, utilisant des pseudonymes comme « hpoilu75 » ou « hpoiluasoumette ».

Aurait-il rencontré son bourreau sur le minitel ? Dans un premier temps, les enquêteurs peinent à identifier un suspect parmi les nombreuses conversations du quadragénaire. Mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises.

Un tueur en série aux méthodes particulières

Dix jours plus tard, le 22 octobre, un homme s’inquiète. Son conjoint, Gilbert, un astrologue de 48 ans, n’a pas donné de nouvelles depuis deux jours. Il contacte alors ses voisins, et leur demande de se rendre au domicile de Gilbert, à Champigny-sur-Marne, pour vérifier que tout va bien. Dans le pavillon du quadragénaire, c’est le désordre absolu. Au premier étage, Gilbert gît sans vie, nu dans son lit, le crâne fracassé. Il est ligoté, et une mallette contenant des jouets sexuels est disposée au pied du lit. Gilbert aussi était un habitué du minitel rose homosexuel, et il avait des tendances sadomasochistes.

Le 17 novembre, nouvelle découverte macabre. La femme d’Hugues Moreau, un chef d’entreprise de 41 ans, le découvre dans son arrière-boutique sans vie, nu et allongé sur le ventre, des chaînettes lui enserrant la taille et le sexe. Plusieurs chéquiers, cartes bancaires, et un télécopieur ont disparu. Mais une mallette de sex-toys est également découverte sur les lieux.

Pour les enquêteurs, il ne fait plus de doute. Les trois meurtres d'une rare violence sont l’œuvre d’un seul et même tueur en série aux méthodes décidemment particulières. Commence alors une véritable course contre la montre pour appréhender le mystérieux criminel. Mais les mois passent, et rien ne permet encore d’identifier le suspect.

Pendant ce temps, le meurtrier poursuit ses œuvres macabres. Le 8 octobre 1991, Bruno Giraudon, un fonctionnaire de 32 ans, est découvert nu et baignant dans son sang par des amis, à son domicile de Villeneuve-Saint-Georges. Emmené à l’hôpital, il est plongé dans le coma, et se réveille quelques jours plus tard. Aux enquêteurs, il raconte alors son terrible calvaire.

L'identification

Ce jour-là, il invite un homme de 32 ans, rencontré sur le minitel rose, chez lui. Il se dit photographe pour des magazines de Voile. Bruno, qui utilise le pseudo « autre chose », cherche de la tendresse, de la complicité, et rêve d’amour romantique. Mais sur place, son invité sort des accessoires sadomasochistes et lui demande d’essayer. Bruno refuse. Son hôte va alors entrer dans une rage folle. :Il frappe Bruno avec un pied de lampe en verre, vole ses papiers et un chéquier, et s’enfuit, laissant le trentenaire pour mort.

Grâce à son audition, les enquêteurs disposent de plus d’informations sur l’identité de celui qu’on appelle désormais « le tueur du minitel rose ». Quelques jours plus tard, ils apprennent qu’un homme aurait utilisé un chèque volé à Bruno Giraudon pour acheter un magnétoscope et une table de montage dans un magasin de matériel vidéo. Le commerce est équipé d’une caméra de vidéosurveillance. Ils envoient la photo du mystérieux individu à plusieurs journaux du monde la Voile. Le rédacteur en chef de l’un d’eux identifie formellement son ancien collaborateur : Rémy Roy, 32 ans.

L'interpellation

Le 28 novembre 1991, il est arrêté chez lui, à Villejuif. En garde à vue, il nie les meurtres, et explique qu’il n’est pas homosexuel, et que ces pratiques l’horrifient. Il se serait rendu sur le minitel rose car il s’ennuyait, mais très vite, il aurait été abordé par des homosexuels sadomasochistes. Il aurait alors accepté de rencontrer Paul Bernard sur les bords de Seine, avant que celui-ci, selon Rémy Roy, ne lui impose des pratiques qu’il abhorre. En colère, il l’aurait frappé, et l’homme serait tombé sur une pierre. Mais il était bien vivant lorsque qu’il a quitté les lieux.

Pour Gilbert, Hugues et Bruno, le suspect livre une version similaire : il a bien rencontré ces hommes, mais à chaque fois, la situation tourne au vinaigre lorsque ces derniers lui font des propositions qu’il juge « indécentes ». Il avoue les avoir frappés, mais il assure qu’il ne les a pas tués.

Sa version ne convainc personne. Mais son casier judiciaire est vierge, et son profil interpelle.

Un profil déroutant

En apparence, Rémy Roy n’a rien d’un tueur de sang-froid. Né en 1958 en banlieue parisienne, il vit une enfance paisible et se passionne pour la voile. Plus tard, il devient skipper et rencontre les plus grands : Florence Arthaud, Philippe Poupon… Un temps, il se retrouve même au service d’un proche collaborateur de Nicolas Hulot. Il épouse une libraire, et ensemble, ils ont une fille, puis un fils. Ses proches le décrivent comme un père et un époux aimant, toujours prêt à aider.

Pourtant, en 1988, Rémy Roy se retrouve sans travail. Il décide alors de monter une boîte de production de vidéos promotionnelles, mais l’affaire ne décolle pas. Il sombre dans la dépression, et devient obèse. C’est à cette période qu’il commence à fréquenter les forums du minitel rose homosexuel. Il y passera jusqu’à plusieurs heures par jour.

Aux psychologue et psychiatre qui l’expertisent, Rémy Roy raconte que son père était absent, et qu’il en a beaucoup souffert. Il explique aussi que sa mère le battait régulièrement avec une lanière en cuir, et que ses camarades d’école lui avaient passé le sexe au cirage. A 13 ans, un homme l’aurait également forcé à le masturber, au cinéma. Plus tard, il aurait aussi subi un viol collectif de la part de ses amis. De toutes ses expériences traumatisantes serait née une haine viscérale des homosexuels. « Pour moi, homosexuel égal violeur », précisera même le trentenaire.

Mais les enquêteurs creusent dans son passé, et ne trouvent rien pour corroborer ses déclarations.

Des tendances perverses refoulées

Pour les psychiatres, ces récits correspondraient plutôt aux fantasmes de l’accusé qu’à de réels souvenirs. Rémy Roy aurait refoulé pendant des années ses tendances sadomasochistes et perverses, qui se seraient « réveillées » lorsqu’il s’est retrouvé soudainement au chômage. Troublé par cette sexualité qu’il ne veut pas assumer, il se met à tuer des homosexuels comme pour tuer cette part de lui qu’il ne supporte pas.

Au terme de sa garde à vue, Rémy Roy est mis en examen pour « assassinat » sur Paul Bernard et Gilbert Duquesnoy, pour « meurtre » sur Hugues Moreau et pour « tentative d’assassinat » sur Bruno Giraudon.

Le 26 juin 1996, il comparait devant la cour d’assises du Val-de-Marne, à Créteil. Devant les jurés, il continue de nier les crimes. Deux jours plus tard, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sureté de 18 ans.