L’histoire glaçante du « Voyeur », le corbeau le plus célèbre des Etats-UnisIstock
En 2014, Maria et Derek Broaddus s'offrent un superbe pavillon dans une banlieue new-yorkaise cossue. Ils sont alors loin de se douter de l'enfer qui les attend sur place. Voici la vraie histoire du « Watcher » (« Le Voyeur »), l'anonyme qui a fait trembler l'Amérique de 2014 à 2019 et dont l'épopée machiavélique fait l'objet d'une série à succès sur la plateforme Netflix.
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Dans la série Netflix The Watcher, il s'appellent Dean et Nora. Dans la vraie vie, ce sont Maria et Derek Broaddus.

Au départ, c’était la maison rêvée pour la famille Broaddus. Au 657 Boulevard, dans la petite ville bien tranquille de Westfield, dans le New-Jersey, se dresse une imposante demeure dans le style Hamptons. En 2014, Derek et Maria Broaddus se l’offrent pour la bagatelle de 1,3 million de dollars. Le couple de New-Yorkais y voient déjà grandir leurs trois enfants, âgés, à l’époque, de 5 à 10 ans.

Mais rien ne va se passer comme prévu.

Quelques jours après avoir conclu la vente, la famille reçoit un premier courrier, alors qu’elle na même pas encore posé ses cartons. L’enveloppe s’adresse au « nouveau propriétaire », et son contenu est, pour le moins, inquiétant.

Les lettres glaçantes du « Watcher »

« Cher nouveau voisin du 657 Boulevard, bienvenue », commence la missive, avant de prendre une tournure glaçante. Le mystérieux correspondant assure que sa famille « surveille » la demeure depuis des décennies, et qu’il entend bien continuer, en observant de près la famille Broaddus.

« Je passe devant la maison plusieurs fois par jours. Le 657  c’est mon métier, ma vie, mon obsession. Et maintenant, vous aussi, famille Braddus ».

Il rajoute :

« Vous devez remplir la maison avec du sang neuf »

Et de conclure : « Bienvenue, mes amis, bienvenue. Que la fête commence ». La lettre est signée : « Le Voyeur ».

Le sang de Derek et Maria ne fait qu’un tour. Ils informent la police de Westfield de la curieuse correspondance, et ces deniers les conseillent d’en parler aux anciens propriétaires. Ces deniers assureront aux Broaddus qu’ils n’ont reçu qu’une seule lettre similaire en 23 ans… Alors que la famille nouvellement emménagée va être véritablement harcelée de missives anonymes, de plus en plus menaçantes, détaillant tous les faits et gestes de la famille.

Derek, Maria et leurs trois enfants finissent par déserter la maison, quelques jours seulement après avoir récupéré les clés. Très vite, ils n’ont qu’une obsession : trouver l’identité du « corbeau » qui menace de s’en prendre à eux.

Ils pensent d’abord à un enchérisseur malheureux, dont la proposition d'achat n’aurait pas été retenue, mais il n’en est rien, selon l’agent immobilier. Serait-ce, alors, un voisin jaloux, car le 657 est la plus grande maison du quartier ? Les Broaddus ne sont pas au bout de leurs surprises…

The Watcher : ce que les lettres dévoilent sur la personnalité du corbeau

Dans le voisinage, il y a bien quelques profils étranges, qui pourraient être à l’origine des missives.

Notamment, la famille Langford, qui habite à deux maisons du 657. Peggy, la matriarche nonagénaire, vit là avec plusieurs de ses enfants adultes, dont le comportement interroge.

Un autre couple de retraité, qui habite le quartier depuis 47 ans, et dont la maison donne directement sur le 657 Boulevard, fait aussi figure de suspect pour les Broaddus : ils passent leur temps à bronzer, au soleil, leurs chaises longues tournées vers… La maison.

Les Broaddus se sont mêmes adressés à un expert en écriture, afin d’en savoir plus sur la personnalité du mystérieux scripteur. Selon ce dernier, le « corbeau » utilise plusieurs « tics » indiquant qu’il s’agirait plutôt d’une personne âgée, cultivée, sachant transposer sa haine avec style, et sans vulgarité. Pour autant, les lettres comprennent par ailleurs de nombreuses erreurs et coquilles, indiquant, selon l’expert, un certain niveau d’incohérence, voire d’instabilité mentale.

La descente aux enfers de la famille Broaddus

Désemparés, les Broaddus vont embaucher plusieurs détectives privées et installer un dispositif de vidéosurveillance coûteux autour de la propriété. En vain : l’identité du corbeau leur échappe… Et les lettres continuent d’affluer.

La situation a surtout de lourdes conséquences sur leur santé mentale. Derek et Maria sont contraint de prendre des somnifères, leur couple se dégrade, et leur obsession pour le « Voyeur » vire à la paranoïa. Ils portent plante contre les anciens propriétaires, les accusant de ne pas les avoir prévenus de cette « menace ».

Ils en viennent même à penser que l'affaire pourrait être en lien avec un autre fait divers, qui avait secoué la petite ville de Westfield, des années auparavant : l’histoire de John List.

Le fantôme de John List, le « XDDL » américain

Le 9 novembre 1971, dans son pavillon cossu de Westfield, John List, un vendeur en assurance, au chômage depuis plusieurs années, tue sa femme, sa mère et deux de ses enfants. Il déjeune et part ensuite assister au match de football de son dernier fils, avant de l’abattre à son tour, de retour à la maison. Le lendemain, John List quitte les lieux, non sans avoir baissé le chauffage et enclenché de la musique à plein volume.

Pendant 18 ans, l’homme va demeurer… introuvable. En réalité, John List a refait sa vie incognito, en Virginie, où il sera appréhendé en juin 1989 après avoir été reconnu par un anonyme fan d’émissions de true crime.

La série Netflix s’est un peu « arrangée » avec l’histoire : dans The Watcher, la maison des Broaddus est en réalité l’ancienne demeure des List, où le massacre a eu lieu. Dans la réalité, il n’en est rien.

Mais six mois après leur achat, à bout de forces, le couple décide de mettre le pavillon en vente. Il ne sera racheté, pour 959.000 dollars, qu’en 2019, après 5 ans de cauchemar.

La perte est énorme pour les Broaddus. Le couple a cédé les droits de son histoire à Netflix, à condition que les scénaristes modifient leur nom et castent des acteurs qui ne leur ressemblaient pas.

Une dernière thèse circule toutefois : et si les Broaddus eux-mêmes s’étaient adressés ses lettres, pour tenter de récupérer leur argent ou de monter une fraude à l’assurance, car ils n’avaient pas les moyens de s’acheter une telle maison ?

Aujourd’hui, le mystère demeure entier.

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