Liancourt : un kiné « sans histoires » assassiné par sa femme parce qu’il abusait de ses filles ?Istock
C'est un dossier plein de mystères qui donne du fil à retordre aux enquêteurs de l'Oise depuis plusieurs mois. Le meurtre de Jean-Christophe Piel, un kinésithérapeute apprécié de tous. Mardi 15 février 2022, quatre personnes ont été placées en garde à vue, suspectées d'avoir fomenté l'assassinat du praticien sur fond de vengeance conjugale.
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Le 24 août 2021, à Liancourt, une commune de l’Oise, Jean-Christophe Piel, 41 ans, est retrouvé, grièvement blessé, devant son domicile, au petit matin. On lui a tiré une balle dans la nuque. Il succombera deux jours plus tard à l’hôpital.

Dans la commune, c’est le choc. Jean-Christophe, kiné et père de trois enfants, faisait l’unanimité pour sa gentillesse et son professionnalisme.

La justice ordonne l’ouverture d’une enquête pour « assassinat ». Les gendarmes découvrent alors l’impensable. Jean-Christophe faisait l’objet d’une mise en cause pour « viols et agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans ».

Delphine, la veuve de Christophe, l’accusait d’avoir abusé de leurs filles de 7 et 4 ans, mais également de son fils, né d’une précédente union.

Un père incesteux ?

Le 9 février 2018, Delphine décide de porter plainte contre celui avec qui elle est encore mariée, mais en pleine séparation. Pour cause : elle aurait surpris Jean-Christophe, le sexe en érection en compagnie de l’une de ses filles, qu’il avait par ailleurs adoptée, dans la baignoire familiale. La fillette, entendue par les enquêteurs, raconte que son père lui aurait demandé de lui toucher le sexe.

Jean-Christophe, lui, nie quelconque geste déplacé. Il explique que c’est « le mouvement de l’eau » qui aurait provoqué son érection.

Deux jours plus tard, il est mis en examen pour « agression sexuelle sur mineur de 15 ans ». Mais ça n’est pas tout.  

Un autre enfant de Delphine, plus âgé et né d’une précédente union, va également confier qu’il aurait été victime de viols et d’agressions de la part de son beau-père. En mars 2019, Jean-Christophe est donc à nouveau mis en examen.

Et une troisième procédure a fait l’objet d’un non-lieu. Entre 2015 et 2017, la deuxième fille de Delphine, que Jean-Christophe avait également adoptée, raconte qu’elle aurait également été victime de son père adoptif. A l’époque, elle était adolescente.

Un homme au dessus de tout soupçon...

Au cours de l’enquête, Jean-Christophe est expertisé à deux reprises. Et les conclusions des deux experts divergent en tout points. Pour l’un, le père de famille dispose d’une « structure psychique perverse », voire dangereuse, et semble considérer avec beaucoup de distance les faits qui lui sont reprochés.

Mais un autre spécialiste ne décèle chez le kiné « aucune problématique ».

Dans les colonnes du Parisien, Delphine confiait son « dégout » face à la mort de son ancien conjoint, qui entraîne de facto la fin de la procédure judicaire à son encontre. « Je ne suis pas triste pour lui, je suis triste pour mes enfants. Cela fait trois ans et demi que je me bats pour obtenir justice, pour qu’il soit condamné par un tribunal et aille en prison. Mais avec sa mort, mes enfants n’auront jamais cette chance là. »

La mère de Jean-Christophe, Marie-Christine Piel, est, elle, persuadée de l’innocence de son fils, et argue qu’il s’agit d’un complot. Mais qui a raison dans cette affaire ?

Une « veuve noire » ?

En réalité, le profil de Delphine ne va pas tarder à son tour à interroger les enquêteurs. Car la mère de famille de 43 ans traîne un lourd passé judiciaire.

En 2000, elle est soupçonnée d’avoir tué son bébé, né en 1997 et décédé d’un traumatisme crânien quelques mois plus tard. Faute de preuves, Delphine sera finalement relaxée.

Depuis, la mère de famille aurait enchaîné les escroqueries, utilisant notamment Laurent, son fils handicapé pour collecter des fonds sous de fallacieux prétextes. Elle exagère alors la pathologie du garçon, assurant aux donateurs qu’il ne lui reste que deux mois à vivre. Elle aurait ainsi extorqué près de 15 000 euros. Pour ces faits, elle est condamnée en 2016 à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis.

Elle rencontre Jean-Christophe en 2013.  C’est le kinésithérapeute de son fils. Au fil du temps, une relation s’installe entre eux. Ils se marient et Delphine donne naissance à une petite fille. Mais la séparation, entamée en 2018, se passe mal. 

Le lendemain de la mort de Jean-Christophe, le journal Le Parisien recevait une lettre anonyme accusant Delphine d’être une « veuve noire maléfique » qui souhaitant avant tout récupérer la maison au terme de sa séparation avec le kiné. Dans l’entourage du couple, certains la décrivent comme une femme « manipulatrice »... Delphine aurait-elle pu tout inventer ? 

Un meurtre en bande organisée ?

Coup de théâtre : mardi 15 février 2022, près de 6 mois après la mort de Jean-Christophe, quatre suspects sont placés en garde à vue pour « meurtre en bande organisée ».

Il s’agit de Delphine, de son fils Laurent, et de deux autres personnes, extérieures à la famille, dont l’amant supposé de la veuve.

Après des mois d’enquête, les enquêteurs s’intéressent désormais à la piste d’un assassinat commandité par Delphine et son nouveau compagnon. On ignore encore le rôle exact de Laurent, et du quatrième homme.

Pour l’heure, ils ne se seraient pas exprimés. Leur garde à vue devrait se poursuivre jusqu’à ce week-end.

Pour Marie-Christine Piel, c’est un soulagement. La mère de famille avait l’intuition, depuis le début de l’affaire, que sa belle-fille n’était pas étrangère au sort de Jean-Christophe.

« Dès le départ, j’avais beaucoup insisté là-dessus auprès des enquêteurs : je leur avais dit d’envoyer leurs meilleurs limiers parce qu’elle est très forte et qu’elle allait essayer de les emmener où elle veut », a-t-elle précisé dans les colonnes du journal l'Oise Hebdo. Pour elle, Delphine est « quelqu’un de terrifiant, et très fort, qui connaît les mots de la justice qui sait ce qu’il faut dire et ne pas dire ».

Aujourd’hui, elle souhaite que son fils soit réhabilité, et que la vérité éclate au grand jour.