Messes noires et sacrifices d’enfants : l’histoire du dernier procès de sorcellerie en France
En 1669, un dénommé Jacques Noël comparait à La-Haye-du-Puits, dans le Cotentin ; il est accusé de sorcellerie. Son procès va révéler de sombres vérités : c'est en réalité tout le village qui s'adonnera à la pratique occulte, organisant messes noires à la gloire de Satan et sacrifiant des nouveaux-nés sur un hôtel macabre. L'affaire aura un retentissement tel que le Roi-Soleil en personne, Louis XIV, sera contraint d'intervenir. Récit d'une « chasse aux sorcières » qui a fait date.
Sommaire

On dit qu’il s’agit du dernier procès en sorcellerie intenté en France... et du plus tonitruant.

En 1666, le procès de Jacques Noël s’ouvre à La-Haye-du-Puits, dans le Cotentin normand. On accuse ce jeune homme de sorcellerie, car il fait montre de comportement très étranges : il a régulièrement en proie à d es crises de spasmes, et se dit le réceptacle de visions étranges.

Interrogé par le magistrat, l’habitant du bourg se défend. Ça n’est pas de sa faute, il a été ensorcelé.  Et de raconter que des villageois l’ont contraint d’assister, un soir, à une messe noire de sabbat, sur le Mont-Etenclin, à quelques kilomètres de La-Haye.

La colline est d’ailleurs réputée pour abriter loups-garous et esprits d’outre-tombe. La nuit où Jacques Noël est traîné sur place, il aurait même vu « le Diable» parmi l’assistance, sous la forme d’un homme en noir, avec des cornes et des yeux perçants.

La révélation fait l’effet d’une bombe. Très vite, le bailli de la commune décide de mener une enquête de fond, avec les grands moyens. Tous les habitants sont interrogés : ont-ils participé à ces messes secrètes et nocturnes ?

Des sorciers qui dansent nus et des moitiés de bébés en guise d’offrande  

Avec stupeur, de nombreux témoins abondent dans le sens de Jacques Noël et décrivent, à leur tour, ce qu’ils ont vu lors de ces séances occultes. Un villageois raconte qu’une nuit, il aurait aperçu une assemblée de sorciers en train de s’adonner à des danses « impures », nus comme des vers. Une autre fois, c’est un femme qui témoigne que son fils serait né d’un accouplement avec le Diable lors de ces rassemblements.

Pire encore : au fil des auditions, on apprend que les adeptes de ces rites diaboliques avaient l’habitude de déposer, en guise d’offrande au Malin, des « moitiés de nouveaux-nés », sacrifiés sur un autel de fortune. Les petits corps étaient au préalable bouillis, dépecés et mélangés avec des serpents, de sorte à en faire une « graisse magique » permettant aux participants de « voler » comme des corbeaux.

Procès en sorcellerie de la Haye-du-Puits : qui étaient les accusés ?

Au fil des semaines, une centaine de personnes finit par être arrêtée, et jetée en prison, au château de La-Haye-du-Puits, où doit se tenir le procès. Certains ont été dénoncés ; d’autres se seraient présentés d’eux-mêmes.

Et l’horreur semble sans limites : il est même bientôt avéré que deux curés de la région feraient partie des « fidèles » se réunissant dans le bois pour s’adonner à ses pratiques satanistes.

De nombreux suspects sont confondus par la « marque du diable », une brûlure que les officiers se mettent à chercher scrupuleusement chez toutes les personnes qu’ils interrogent.

A l’issue des audiences, sommaires, les juges prononcent 34 sentences, dont neuf condamnations à mort. La peine sera confirmée, en appel, par le Parlement de Rouen.  

Mais en 1670, le Roi-Soleil, Louis XIV, casse le jugement. Il annule les condamnations à mort, qui sont commuées en bannissement à vie hors de Normandie.

Procès en sorcellerie de la Haye-du-Puits : rumeur, fantasme ou réalité historique ?

C’est Claude Pellot, un parlementaire rouennais, qui aurait enjoint le roi à faire preuve de clémence, en lui soufflant ses mots, dans une lettre :

Dans les campagnes, on trouvera toujours des malades mentaux et des esprits crédules aux rumeurs et aux légendes. On trouvera toujours quelque opportuniste prêt à accuser de sorcellerie son voisin ou son parent pour mieux s’en débarrasser. De la bouche des suspects, sortiront toujours les aveux les plus délirants pour peu que les juges emploient la torture.

Aujourd’hui, on peut légitimement penser que l’affaire ait été « exagérée » par les mœurs de l’époque.  Et les histoires de sacrifices, tout simplement nées d’une rumeur qui aurait enflé encore plus vite que les ragots ne se diffusaient…

A l’époque, les affaires de sorcellerie déchainaient véritablement les passions, et elles étaient traitées avec la plus grande fermeté par les pouvoirs publics ; on craignait que les « sectes démoniaques » ne corrompent la bonne société chrétienne, et entachent la fidélité du peuple à son roi.

Toutefois, l’opinion publique sera moins virulente après le procès de la Haye, qui restera connu comme le dernier du genre en France.

Lire aussi :