« Mon fils a été assassiné et la justice l’a abandonné » : le combat du père de Joachim Paumero
INTERVIEW. C'était il y a plus de six ans, mais les plaies sont loin d'être pansées pour la famille de Joachim Paumero. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, ce jeune militaire de 26 ans disparait pendant ses vacances à l'île Maurice, où résident ses parents. Deux semaines plus tard, son corps sans vie est retrouvé au bas d'une falaise. La police veut classer l'affaire en suicide. La chose est impensable pour son père Marco, qui a relevé, au fil des mois, de nombreux éléments qui laissent plutôt penser que son fils a été victime d'un meurtre sauvage. Il se bat, depuis, pour faire éclater la vérité, et nous raconte.
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L’Île Maurice, un petit coin de paradis hors du temps au milieu de l’océan Indien… qui cache pourtant un enfer : celui que vit la famille de Joachim Paumero depuis 6 longues années.

Le 15 juillet, au beau milieu de la nuit, le jeune militaire de 26 ans s’est volatilisé, alors qu’il passait ses vacances chez ses parents, sur l’île.

« Il était dans l’armée de l’air française, basé à Brétigny-sur-Orge, et il était venu nous rendre visite, il nous avait fait la surprise ! », raconte Marco, son père, originaire de Cognac (Charente) mais installé à l’île Maurice depuis plusieurs années. « Seulement, quelques jours après son arrivée, j’ai appris le décès de ma mère. J’ai dû partir en France assister à son enterrement. Le soir des obsèques, mon fils disparaissait à des milliers de kilomètres de moi », poursuit le père de famille.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, le soir de la finale de l’Euro , Joachim quitte une boîte de nuit près de Bambous, au sud de la capitale Port-Louis. Et puis, plus rien. Il ne rentrera jamais chez lui.

Après deux semaines de recherches, son corps est retrouvé, en bas d’une falaise, le 29 juillet.

« Ça a été dur, très dur », confie Marco Paumero. « Je me suis laissé aller au chagrin, et j’ai fait une thrombose. J’ai dû suivre un traitement en France, et je n’ai pu rentrer à Maurice qu’au mois de décembre ».

Mort de Joachim Paumero : « Rien n’a été fait »

En France, Marco reçoit la visite des supérieurs de Joachim. « Ils m’ont dit beaucoup de chose sur lui. C’était un garçon vivant, intelligemment, le premier de la classe ! Il savait très bien se repérer ». Pour le père de famille, le drame est incompréhensible.

Et très vite, la famille va se heurter à l’inertie des enquêteurs mauriciens. « Pendant mon absence, rien n’a été fait, nous explique Marco Paumero. En janvier, j’ai donc essayé de rencontrer les enquêteurs. Ils m’ont beaucoup menti. Ils n’ont même pas pris la peine de vérifier certaines caméras de sécurité qui avaient filmé les environs de la boîte ce soir-là ».

La police est convaincue qu’il s’agit d’un suicide ; le père de famille n’y croit pas une seule seconde.

« Joachim avait plein de projets, il était venu en vacances nous faire cette surprise… Pourquoi se donner la mort à ce moment-là ? On a aussi dit qu’il avait trop bu : c’est faux, précise Marco Paumero. D’après le médecin conseil, il n’y avait pas d’alcool dans le sang ».

Et surtout, pour Marco, certains éléments pour le moins troublants méritent d’être creusés davantage.

Mort suspecte de Joachim Paumero : la contre-enquête de son père

Lorsque le corps de Joachim est découvert, en bas d’une falaise, deux semaines après sa disparition, on ne retrouve, sur lui, ni son briquet, ni son portefeuille, ni ses objets personnels.

« En revanche, on a retrouvé son téléphone portable, intact, sans la moindre éraflure, appuyé à la verticale contre un roche, quelques mètres plus loin », explique Marco Paumero.

Le père de famille se questionne, et décide de mener sa propre enquête.

Je suis allé sur les lieux où il s’était égaré. Ce sont des champs. Le responsable m’a dit que le soir de sa disparition, il y avait eu des vols de légumes, justement. La police a arrêté ces gens, ils étaient quatre, mais ils n’ont jamais fait le rapprochement.– Marco Paumero

Aussi, le chemin que Joachim aurait dû emprunter pour aller se jeter de la falaise, s’il avait vraiment voulu en fini, est complètement impraticable à pied, selon lui. « Il pleuvait des cordes, le ciel était noir, on ne voyait rien ce soir-là. Le terrain était très boueux, note-t-il. « Et pourtant, lorsqu’on l’a retrouvé, ses chaussures étaient propres ! »

Plus curieux encore : en bas de la falaise, le corps de Joachim était couché sur le dos, les jambes écartées, « comme si quelqu’un l’avait porté », commente Marco Paumero, qui s’interroge, par ailleurs : « Si quelqu’un veut se suicider, il tombe en avant, non ? Et il prend un chemin plus direct, plutôt que ce chemin tortueux, impraticable ».

Quelques mois plus tard, Marco apprend que l’un des voleurs en question s’est suicidé en prison. Il était âgé de 20 ans.

« Cela me pose question, explique-t-il. Peut-être se sentait-il coupable ? Ou alors, ses complices ont eu peur qu’il parle ? »

Pour lui, il ne fait plus de doute : Joachim a été assassiné. « Mon idée c’est que ces gens-là ont vu Joachim qui revenait à pied de la boîte de nuit, et l’un d’eux a peut-être entrainé les autres, pour le dépouiller, mais mon fils était quelqu’un qui ne se laissait pas faire… Ensuite, ils ont dû le mettre dans une voiture et prendre le chemin pour aboutir à la falaise, en pleine nuit… », confie Marco.

Mort suspecte de Joachim Paumero : « Pour eux, la mort, ça n’est rien »

Mais malgré toutes ces zones d’ombre, que le père de Joachim n’aura de cesse de mettre en évidence, l’enquête piétine.

Je suis même allé voir le commissaire de l’Île Maurice, il ne s’est même pas présenté au premier rendez-vous, et est arrivé avec une heure et demi de retard au deuxième, pour me recevoir deux minutes et me dire : "Monsieur Paumero, vous n’êtes pas le seul à avoir perdu votre enfant". Ça n’est humain. Pour eux, la mort, ça n’est rien. – Marco Paumero

Pour Marco Paumero, rien n’a fonctionné dans cette affaire. Il a bien tenté de chercher de l’aide en France : mais toutes ses lettres sont restées sans réponse.« Le parquet de Paris a bien ouvert une enquête, mais elle a fini par être classée. Et lorsque mon fils est mort, les autorités françaises ne nous ont même pas contactées. Joachim était pourtant un enfant de la patrie, un soldat. »

La colère du père ne se limite pas aux institutions mauriciennes et françaises. Pour lui, « rien n’a fonctionné dans cette affaire ».

« Le médecin légiste ne s’est même pas déplacé sur les lieux du crime, poursuit Marco. Son pantalon était déchiré net, tranché à trois ou quatre endroits différents, il n’est pas capable de dire pourquoi. Il n’est pas fichu non plus de savoir s’il est tombé ou s’il a été poussé. Il avait des blessures sur le côté droit, et la mâchoire, qui ne correspondent pas du tout à la position dans laquelle le cadavre a été découvert… La scène de crime n’a même pas été protégée ».

Mort suspecte de Marco Paumero : « Ils le tuent une seconde fois »

Le 20 février 2021, Marco Paumero apprend pourtant que la police mauricienne s’apprête à classer l’affaire en suicide.

« J’ai écrit immédiatement une lettre au Directeur des poursuites publiques, afin qu’il enquête pour savoir si la police mauricienne avait vraiment fait son boulot », raconte le père de famille. Une enquête est en cours, et Marco, aidé par son avocat, enchaîne les aller-retours au tribunal.

Mais l’attente est insupportable.

Je dors mal, j’ai perdu l’envie de vivre, mon équilibre… Tous les jours, on essaie de participer, de sourire, mais personne ne sait ce qu’il y a derrière mon sourire. Je n’accepte pas parce que personne n’a rien fait, tout le monde l’a oublié- Marco Paumero

Aujourd’hui, Marco lance un véritable cri du cœur aux intuitions, aux médias, à tout ceux qui peuvent l’aider. Il veut que la vérité éclate.

« J’ai fait une promesse à mon fils Quand ils veulent classer ça en suicide, ils ne se rendent pas compte qu’ils le tuent une seconde fois. On est une famille totalement cassée, et on ne sait plus où chercher de l’aide », murmure le père de famille.