« Papy Voise », le fait divers qui a bouleversé l’élection présidentielle de 2002Istock
Il y a tout juste 20 ans, un fait divers a failli changer le cours de l'histoire, en France. A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, Paul Voise, un modeste retraité, est violemment agressé à son domicile par deux malfrats, qui mettent le feu à sa demeure. Le vieil homme survit, mais son calvaire va faire le tour des journaux télévisés. La France s'indigne face à un tel déferlement de violence. Trois jours plus tard, Jean-Marie Le Pen se retrouve au second tour, face à Jacques Chirac. Récit.
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C’était il y a 20 ans. La France se préparait, comme ces jours-ci, à se diriger vers les urnes, encore incertaine. Mi-avril, les sondages sont formels : le second tour devrait opposer le Président sortant, Jacques Chirac, et son premier ministre socialiste, Lionel Jospin. Mais un évènement va faire complètement basculer l’ordre des choses.

Le 18 avril 2002, Paul Voise, un retraité de 72 ans, se trouve dans sa modeste masure d’Orléans lorsque deux jeunes hommes y font irruption, tentent de le rançonner, avant de le rouer de coups. Ils incendient ensuite sa demeure, et prennent la fuite, laissant le pauvre homme pour mort.

Ses voisins, heureusement, appellent rapidement les secours. « Popol », comme ils l’appellent, est tiré d’affaire. Mais il est dans un état critique. Couvert d’hématomes, le septuagénaire est aussi profondément choqué. Car il ne reste rien, ou presque, de sa maison. Cette bâtisse, Paul Voise l’avait construite lui-même, 40 ans auparavant.

Le lendemain, son calvaire est raconté dans le 20 heures de TF1. Le vieil-homme, frêle et défiguré témoigne, d’une voix fébrile, depuis sa chambre d’hôpital. « Ils voulaient des sous, mais je n’en ai pas », raconte-t-il au micro des journalistes, les yeux à peine ouverts tant son visage est supplicié.

Il n’en faut pas plus pour créer l’émoi à l’échelle nationale. Les journaux, les chaînes d’info, les radios reprennent l’histoire de celui qu’on appelle désormais « Papy Voise », et la France entière s’attendrit devant le sort du septuagénaire.

Car Paul Voise est un personnage attachant : très apprécié dans son quartier, il est décrit comme un homme fantasque, modeste, avec le cœur sur la main. Toujours prêt à rendre des services. Sur le fronton de son pavillon, cet adage était fièrement affiché : « Paix aux hommes de bonne volonté ».

Affaire Papy Voise : l'emballement

Pendant ce temps, une enquête est ouverte par le parquet d’Orléans pour tenter de retrouver les agresseurs de Paul Voise, qui font désormais office d’ennemis publics numéro 1 à l’échelle nationale.

Sur toutes les lèvres, la même question : pourquoi s’en prendre à un vieil homme sans défense ?

En écho à cette affaire, la colère gronde contre l’insécurité qu’on dit « croissante » dans le pays.

Un discours qui fait les choux gras de Jean-Marie Le Pen, le candidat du Front national à l’élection présidentielle. La droite tient directement le gouvernement Jospin, et son prétendu laxisme, pour responsable d’une hausse de la criminalité dans l’Hexagone.

Le débat est alors accaparé par la question de la sécurité, au dépend du reste.

Samedi 20 avril, deux jours après la terrible agression de Paul Voise, c’est le « jour de réflexion ». La campagne est interrompue dans les médias, les politiques cessent de prendre la parole. Tournent alors en boucle, sur toutes les chaînes, les images du retraité supplicié.

Le lendemain, les Français se rendent aux urnes. A 20 heures, le journal annonce les résultats du premier tour : 19,88% des voix pour Jacques Chirac, 16,86% pour Jean-Marie Le Pen.

C’est le choc.

L’affaire Papy Voise a-t-elle vraiment joué un rôle dans l’issue du scrutin ?

Affaire Papy Voise : qu'a donné l'enquête ?

Malgré le tumulte médiatique et populaire autour de l’affaire, l’enquête autour de l’agression de Paul Voise n’a jamais abouti.

Le 28 février 2003, soit presque un an plus tard, une personne a bien été mise en examen, puis relâchée.

Le 18 février 2005, le juge d'Orléans prononce un non-lieu en faveur de ce suspect car les charges retenues étaient selon lui insuffisantes

Mais l’émoi autour du sort du retraité a crée un formidable élan de solidarité à l’échelle nationale.

Quelques jours après l’agression, une association, « Soutien Popol », se forme, et récolte de nombreux dons d’anonymes. Avec les 42 000 euros récoltés, la maison de Papy Voise est reconstruite en quelques mois, et inaugurée en grande pompe.

L’héritage de Papy Voise

Mais le vieil homme n'a pu en profiter bien longtemps. Souffrant de diabète, il a été hospitalisé en 2004, puis accueilli dans une maison de retraite de Lailly-en-Val, dans le Loiret.

Avec un journaliste de La République du Centre, venu lui rendre visite en 2012, il ironise sur son sort : « je suis devenu le prince de l’Argonne (ndlr ; son quartier à Orléans) ».

Le vieil homme s’éteindra en 2013, à l’âge de 82 ans.

Louée un temps par des particuliers, sa maison est aujourd’hui inoccupée. Rhida Khladi, le pharmacien du quartier, qui a monté l’association Paul Voise, rêve d’en faire un centre d’accueil pour les nécessiteux.

Affaire Papy Voise : la remise en question

Aujourd’hui encore, on ignore si l ’affaire Paul Voise a réellement joué un rôle dans l’issue du premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2002.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que les médias ont été vivement critiqués pour avoir fait du fait divers le principal sujet de conversation dans les heures qui précédaient le scrutin.

Depuis, certains ont fait marche arrière, présentant leurs regrets.

Robert Namias, directeur de l’information de la chaîne TF1 au moment du tumulte, ira même jusqu’à dire que le traitement de l’affaire par ses rédactions relevait de la faute.

La ville d’Orléans, où se déroule le drame, sera également pointée du doigt, pour avoir surfé sur le sensationnalisme de l’histoire de « Papy Voise ».L’adjoint à la sécurité du maire de l’époque, Florent Montillot, aurait, selon une enquête du journal Le Monde, appelé lui-même les équipes de télévision pour qu’elles s’intéressent au sort du retraité.