Pierre Rivière, le paysan qui a assassiné sa famille de sang-froid au XIXème siècleIstock
« Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur, et mon frère ». C'est par ces mots que le tueur introduit son autobiographie, rédigée en prison. En 1854, le jeune homme, âgé de 20 ans, assassinait de sang-froid sa famille à coups de serpe, avant de s'enfoncer dans les bois. Arrêté un mois plus tard, il se suicide après 5 ans de détention. Mais qui était vraiment ce paysan normand à la folie meurtrière sans égal ?
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Le crime a marqué les annales de la justice. C’est peut-être la première tuerie familiale à avoir connu tel retentissement. Aujourd’hui, certains observateurs rapprochent le cas Pierre Rivière de celui de Xavier Dupont de Ligonnès. Dans les deux affaires, on retrouve peu ou prou les mêmes ingrédients : une tuerie familiale de sang-froid , un suspect en apparence banal, et une fuite… Sauf que Rivière, lui, a fini par être rattrapé.

Pierre Rivière nait en janvier 1815 dans un petit village du Calvados. Ses parents, Victoire et Pierre-Margrin, auront ensuite cinq autres enfants.

Mais très vite, la mère de famille délaisse le jeune Pierre, et un beau jour, elle décide également de quitter son époux. A l’époque, il n’a que quatre ans. Victoire abandonne le foyer. Mais contre toute attente, la mère de famille finit par demander la garde de Pierre au bout d’un an.

Pierre grandit sans vraiment comprendre ce qui se trame chez lui. Alors qu’il est âgé de 10 ans, sa mère décide, finalement de le chasser du domicile familial, avec sa sœur, Aimée.  Les deux enfants retournent vivre chez leur père. Leurs frères, Jean et Prosper, qui est handicapé mental, ne tardent pas à les y rejoindre. Finalement, Victoire se retrouve seule avec le petit dernier : Jules.

A l’adolescence, Pierre Rivière devient paysan, comme son père. Mais il souffre de voir son géniteur accablé par « l’hystérie » de sa mère. Car si le couple vit séparément, ils demeurent mariés au yeux de la loi, et c’est au père de famille qu’il revient de gérer les dettes colossales de sa femme.

Massacrés à la faucille 

En 1834, le petit Jean décède d’une méningite. Victoire, qui tient son père pour responsable, le menace de mort, devant Pierre, hébété. Elle décide, finalement, de se venger en accumulant de nouvelles dettes. Pierre senior est alors assailli par les créanciers de sa femme, lui qui n’a plus le sou, et tente même de se pendre pour échapper à son triste sort.

Finalement, la justice ordonne à Victoire de rejoindre sans attendre le domicile familial. La mère s’exécute, mais les tensions sont loin de s’apaiser entre les époux.  Entre leurs deux parents, les enfants choisissent tous leur camp. Pierre, lui, soutient son père.

Le matin du 3 juin 1835, Pierre Rivière, âgé de 20 ans, revêt ses habits du dimanche puis débarque dans la pièce principale de la ferme familiale où il fauche sa propre mère à l’aide d’une faucille. Elle était enceinte de 7 mois. Il égorge ensuite, avec le même outil, s a sœur Aimée, 18 ans et son jeune frère Jules, âgé de 7 ans.   

Son terrible forfait achevé, le jeune homme prend la fuite dans les bois normands. Il y errera pendant près d’un mois, se nourrissant de baies et achetant du pain avec ses économies, avant d’être finalement arrêté.

Pierre Rivière, le curieux profil du « parricide aux yeux roux »

Il n’oppose aucune résistance, et avoue le triple meurtre sans détour. Les enquêteurs de l’époque sont déroutés par cet adolescent au comportement pour le moins étrange.

Pierre Rivière est décrit par ses voisins comme un enfant solitaire, taciturne, et singulier. Il effraye certains à plusieurs reprises en poussant des cris stridents dans les champs, et on l’accuse d’avoir tué de ses mains des petits oiseaux, pour le « plaisir ».

Le jeune homme éprouvait surtout une aversion pour sa mère, et se réfugiait très souvent chez ses grands-parents pour lire, notamment des ouvrages religieux.  

Aux enquêteurs qui le questionnent, il assure avoir commis son crime pour que son père ne soit plus « l’objet de tracasseries continuelles ».

Et s’il s’en est pris à son frère et sa sœur, c’est parce qu’ils avaient pris, eux, le parti de sa mère. Et surtout, que Dieu lui-même lui avait ordonné.

« Dieu m'a commandé de justifier sa providence ; ils étaient unis. Tous les trois ont accepté de persécuter mon père », explique Rivière, que la presse surnomme déjà « le parricide aux yeux roux ».

Pierre Rivière : le « mémoire » surprenant du tueur

Après son arrestation, le jeune Pierre, qui assume son geste, va même s’appliquer à l’expliquer par le menu dans un long mémoire de 50 pages, « Détail et explication de l’événement arrivé le 3 juin à Aunay, village de la Fauctrie écrite par l’auteur de cette action », alors qu’il sait à peine lire et écrire.

En réalité, celui que l’on surnommait « l’idiot du village » semble y faire preuve d’une grande clairvoyance.

La première partie de son récit est nommée « Résumé des peines et des afflictions que mon père a souffertes de la part de ma mère depuis 1813 jusqu’à 1835 » et commence par ces mots : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur, et mon frère.

Les médecins, eux, s’intéressent de près au cas Rivière. Le docteur Bouchard lui rend visite régulièrement dans sa cellule, et note qu’il ne souffre d’aucune maladie mentale. Mais le docteur Vastel, lui, aperçoit une lueur de folie chez le suspect. Pendant des mois, le débat passionne l’opinion publique.

Le 15 novembre 1935, Pierre Rivière est condamné à mort pour le triple assassinat. Deux mois plus tard, il est gracié par le roi Louis-Philippe d’Orléans. Sa peine est alors commuée en réclusion criminelle à perpétuité.  

Le 20 octobre 1840, il se pend dans sa cellule. Ses compagnons de la prison de Beaulieu ne sont pas surpris : le parricide clamait depuis longtemps qu’il était « déjà mort ».  

En 1973, le criminel oublié fait l’objet d’un séminaire au Collège de France, dirigé par le philosophe Michel Foucault. Un ouvrage collectif est publié, et sera même adapté au cinéma en 1976, dans le film Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère…

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