Secte et larmes de sang : qui est « la servante », jugée à Dijon ?Istock
Une femme de 67 ans est accusée d'abus de faiblesse sur une dizaine de personnes. Pendant plus de 20 ans, elle aurait expliqué avoir des visions de la Vierge, poussant certains à lui confier tous leurs biens...
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Miracles ou escroqueries ? En 1996, Eliane Deschamps voit pour la première fois la Vierge apparaître devant ses yeux et le phénomène se reproduira chaque mois les 25 ans qui suivent. Aujourd’hui âgée de 67 ans, cette femme surnommée « la petite servante » ou « l’élue » est jugée par le tribunal correctionnel de Dijon (Côte-d’Or) pour « abus de faiblesse par sujétion psychologique ». Comme l’explique Le Parisien, 19 personnes seraient concernées, victimes des faits reprochés, mais toutes n’ont pas tourné le dos à cette femme qui a acquis une certaine réputation ces dernières années. 

La Servante : une première vision en 1996

Tout commence donc au milieu des années 1990. Le 15 août 1996, Eliane Deschamps aurait eu se première vision devant la porte du Diable, forêt près de Dijon où de nombreuses légendes folkloriques trouvent leur source. Il ne faut pas beaucoup de temps à la rumeur pour se propager à travers la région et même au-delà. À cette époque, âgée d’une quarantaine d’années, cette femme attire de nombreux croyants autour d’elle, dont certains vont jusqu’à s’installer avec elle et ses cinq enfants. Elle finit par fonder un groupe baptisé Amour et miséricorde qui, 20 ans après, est donc au cœur des accusations. 

Selon le quotidien francilien, ceux qui ont quitté le groupe décrivent une emprise, « d’abord mâtinée de générosité et d’une écoute sans borne, déployée par une ‘gourelle’ toute puissante au sein de la maisonnée ». Tâches domestiques, humiliations et punitions auraient fait partie de leur quotidien, pendant que « l’élue » aurait donné les ordres. Un stratagème bien précis aurait permis à la femme accusée aujourd’hui d’avoir cette emprise sur les personnes présentes…   

La Servante : gifles, insultes publiques...

Parmi les humiliations décrites par ceux qui ont quitté le groupe, Le Parisien évoque des « gifles, seaux d’eau froide versés sur la tête, insultes publiques proférées pour des broutilles, comme une soupe trop salée ». Un climat lourd à supporter qui aurait été rendu possible grâce à une rupture des liens exigée entre les membres et leur famille. Me Rodolphe Bosselut, l’avocat de la fille d’Eliane Deschamps et d’une femme qui n’a pas pu voir son fils depuis 18 ans, décrit auprès du quotidien « la mise en place d’un processus insidieux typique de l’emprise sectaire ». 

Interrogée par l’Agence France-Presse, dont les propos sont rapportés par Midi Libre, la fille de l’accusée explique : « Les adeptes donnaient leurs bijoux, des tableaux… On ne pouvait pas s’enrichir sauf de la parole de Dieu donc on versait une pension tous les mois à Eliane, de 300 à 350 euros ». « Elle dit que Jésus prend possession de son corps et qu’il lui dit que les adeptes doivent se détacher du bien qui leur est le plus cher, mais c’est un prétexte pour se faire servir », ajoute-t-elle.

En plus de la peur de lui déplaire – elle qui communique avec la Vierge – les membres du groupe auraient été forcés à des confessions publiques et des séances d’autocritique filmées. La délation aurait également été encouragée. Au final, beaucoup ont remarqué « un changement de personnalité et une perte de libre arbitre tels qu’ils questionnaient Eliane Deschamps pour absolument tout, y compris pour changer une ampoule, ou savoir s’ils devaient acheter une boîte six ou douze œufs au supermarché », ajoute l’avocat au Parisien

Si beaucoup y ont cru, c’est parce que les signes des miracles qu’elle rapportait étaient bien présents…   

La Servante : des larmes de sang

Selon ses dires, Eliane Deschamps voyait la Vierge Marie tous les 15 du mois, à 00h06 très précisément. Certains membres du groupe ont rapporté l’avoir vue pleurer des larmes de sang et elle aurait bénéficié d’un complice. Cet homme de 75 ans, Daniel Delestrac, est lui aussi jugé à ses côtés, pour les mêmes faits. Décrit comme son bras droit, il était également le trésorier du groupe Amour et miséricorde. 

Interrogé par Le Parisien, l’avocat de l’accusée estime que « c’est une instrumentalisation de la justice par certaines parties civiles qui, au départ de l’affaire, étaient les plus ferventes défenseuses de ma cliente ». Selon lui, « on parle ici d’adultes sains d’esprit qui ont rejoint librement un groupe de prières ». La justice doit trancher ce mardi 23 novembre.