« Miracle de Laon » : l’étrange exorcisme en public de Nicole Aubrey au Moyen Âge Istock
En l'an 1566, dans la ville de Laon (Aisne), la jeune Nicole Aubrey est exorcisée sur la place publique, pendant plusieurs jours, attirant les badauds. L'adolescente serait possédée par le démon Belzebuth. En pleine guerre des religions, l'affaire va prendre des proportions inédites.

C’est l’une des plus vieilles histoires d’exorcisme connues en France, et peut-être la plus controversée. En 1565, Nicole Aubrey, une jeune fille de 15 ou 16 ans, qui habite à Vervins avec son époux, commence à souffrir d’une mystérieuse affliction.

Elle refuse de s’alimenter, et se retrouve en proie à de terribles convulsions. Au cours de ces épisodes, elle se démène si violement qu’il faut parfois une dizaine d’hommes pour la contenir. Plus inquiétant encore, elle semble entrer dans une forme de « transe » : elle se met alors à parler d’une voix rauque, et à déballer des insanités.

Dans un premier temps, l’adolescente pense être possédée par le fantôme de son grand-père décédé. Ses parents font venir un prêtre dominicain, Pierre de la Motte à Vervins. Ce dernier est catégorique : Nicole est possédée par plusieurs esprits maléfiques (29 au total), dirigés par un puissant démon, Belzebuth. Le père La Motte tente alors par tous les moyens de le faire quitter le corps de la jeune fille. En vain. Selon lui, Belzebuth refuse de partir, à moins… d’être exorcisé par l’Evêque lui-même. Entre temps, le prêtre parvient tout de même à se débarrasser de quelques esprits, qui, selon lui, « fuient rapidement vers Genève (ndlr : le centre névralgique du mouvement calviniste) »

« Je ferai plus de mal au Christ que les Juifs »

Le 3 janvier 1566, l’Evêque de Laon arrive à la hâte à Vervins. Il tente à son tour d’exorciser le démon. Mais lui aussi se heurte à la résistance du démon. L’homme de Dieu décide donc d’organiser une procession jusqu’à la cathédrale Laon, où l’exorcisme pourra reprendre.

Sur place, pendant plusieurs jours, la jeune Nicole sera transférée depuis un couvent, où elle est hébergée, jusqu’à un échafaud, installé sur le parvis de l’édifice religieux, où son « démon » sera exorcisé, en public, délivrant par la même occasion de glaçants sermons au peuple.

Son discours porte principalement sur la menace huguenote, des « infidèles » qui « volent et brûlent » les hosties, et il affirme même « contrôler » les protestants.

« Moi, avec mes huguenots obstinés, je ferai plus de mal au Christ que les Juifs », scande, par exemple, le fameux Belzebuth.

Après plusieurs semaines de séances d’exorcisme effrénées, le « miracle de Laon » se produit  au début du mois de février: l’évêque brandit la Sainte Eucharisties et chasse définitivement les démons du corps de Nicole.

Des siècles plus tard, l’histoire de Nicole ressemble plus à une propagande de l’église, au lendemain de l’édit d’Amboise, alors que les tensions entre catholiques et huguenots étaient encore très vives.

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